Le fils amorce en force la saison du Théâtre du rideau vert avec un drame familial contemporain qui explore les troubles de santé mentale. Et après plus deux ans de pandémie, ce sujet reste malheureusement un enjeu sociétal important.
René Richard Cyr adapte la pièce à succès de Florian Zeller dans un huis clos sous haute tension. Il nous plonge de manière frontale dans l’intimité d’une famille confrontée au mal-être d’un adolescent. Qui est ce fils qui paraît étranger à lui-même autant qu’à ses proches ? Il pourrait être le vôtre comme l’attestent des études sur la détresse psychologique des jeunes. Voilà ce qui est le plus déconcertant dans la pièce. On parvient aisément à se projeter dans ce quotidien sans histoire où la dépression étend lentement son ombre.
Sur scène, Nicolas se heurte ainsi à l’incompréhension de ses parents qui ne comprennent pas les raisons de son isolement ni ses changements d’humeur. Or, le garçon a vécu très mal le départ de son père, parti refaire sa vie avec une autre femme avec laquelle il a eu un bébé. Espérant se rapprocher de ce nouveau foyer, il part vivre avec eux. Seulement Nicolas ne se sent à sa place nulle part et passe ses journées à errer dans un parc, refusant d’aller à l’école. Et peu à peu ce fils qui, hier, semblait encore heureux, s’enfonce dans une profonde dépression.
Le fils, une tragédie de notre temps
Émile Ouelette fait une entrée remarquée au théâtre avec ce premier rôle exigeant. Son interprétation à fleur de peau est d’une sincérité désarmante. Il épouse l’instabilité mentale autant que physique de ce fils en crise, tout à tour distant, confus ou encore violent. On n’a aucun mal à croire à la crispation de ses traits et à ses excès de rage.
Le jeune comédien est une véritable bombe à retardement face au reste de la distribution. Vincent Guillaume Otis est un émouvant père pudique qui préfère nier la gravité de la situation plutôt que d’accepter la maladie de son enfant. Il en est de même pour Sylvie De Morais-Nogueira (la mère) et Stéphanie Arav (la belle-mère), soucieuses, mais dépassées par les événements.
C’est là tout le message de la pièce qui montre, d’un côté, le déni des adultes, et de l’autre, la solitude abyssale de l’adolescent. Alimenté par l’éclatement de la cellule nucléaire, ce fossé se creuse et cause d’irrémédiables dommages. Certaines séquences sont d’ailleurs très poignantes, notamment celle de la confrontation père/fils très musclée. Il nous est alors difficile de rester insensible vis-à-vis de la lente descente aux enfers de Nicolas. À l’image de ses proches, on aimerait lui apporter soutien et réconfort, croire en sa guérison, au lieu d’assister à sa chute.
Durant une heure et demie, René Richard Cyr nous tient dans un équilibre précaire où notre malaise grandit jusqu’à la scène finale. Le décor dépouillé renforce aussi ce sentiment, comme si les murs se refermaient lentement sur les personnages. Et grâce à sa portée identificatrice, la représentation nous touche directement au cœur.
Le fils est une pièce électrochoc qui nous confronte à la dure réalité de la santé mentale. Quand le rideau tombe, le public est sonné, bouleversé par cette tragédie humaine de notre temps.