Le roman de monsieur de Molière souligne les 400 ans du dramaturge français avec une adaptation de l’œuvre singulière de Mikhaïl Boulgakov. C’est l’occasion de bâtir un pont entre deux créateurs qui partagent un parcours artistique similaire, malgré trois siècles d’écart.
Sur scène, Boulgakov se plaint de sa condition d’auteur, aux prises avec la liberté d’expression du régime stalinien. Il fait alors un subtil parallèle avec Molière auquel il voue une véritable vénération. Pour mieux en témoigner, il remonte le temps en revisitant la vie de son modèle.
Les moments clés du destin de Jean-Baptiste Poquelin sont alors exposés en divers tableaux. De sa naissance aux débuts de l’Illustre théâtre en passant par ses amours et ses démêlés avec la censure, jusqu’à sa mort, tout y est… ou presque. Certes, cette mise en abyme survole le destin de Molière, sans trop l’approfondir, seulement elle s’attache à l’essentiel. La vision de Boulgakov nous offre le portrait romanesque d’un artiste dans ses doutes et ses contradictions. Le visage d’un homme dans toutes ses imperfections.
Le tour de force de la pièce est de convoquer une à une les figures incontournables qui ont jalonné l’histoire de Molière. Elles servent à la fois de repères à sa carrière et attestent de son génie. Quant à l’adaptation de Louis-Dominique Lavigne, ses répliques ciselées nous donnent la saveur du Grand Siècle.
Dans les coulisses de Molière
La sobriété de la mise en scène contraste avec la flamboyance des personnages, mais c’est pour mieux mettre en lumière l’éclatante distribution. Sur un espace cubique, Lorraine Pintal donne ainsi toute la place aux comédiens.
Le caméléon Jean-François Casabonne incarne un impétueux Boulgakov, hanté par son mentor auquel il s’identifie. Face à lui, Éric Robidoux est un Molière tour à tour drôle et ombrageux. Quant aux seconds rôles, ils n’en portent que le nom, leur présence donnant de beaux contrastes à la pièce. Du désopilant rond de jambe de Philippe Thibault-Denis (Philippe d’Orléans), à la majesté de Simon Beaulé-Bulman (Louis XIV), ou encore à la pétillante Rachel Graton (Madeleine Béjart), chacun·e est à sa place.
Le roman de monsieur de Molière restitue l’effet de troupe, ce qui permet de puiser dans le florissant répertoire du dramaturge français. On y fait référence à de multiples pièces, dont Les précieuses ridicules, Tartuffe et Le malade imaginaire. La leçon de commedia dell’arte, avec le masque rouge, est même un prétexte d’un clin d’œil à L’avare avec Harpagon et sa fameuse cassette.
Sur la scène du TNM, Lorraine Pintal parvient à imbriquer les pièces de ce casse-tête géant dans un vibrant hommage à un monstre sacré du théâtre. La pièce célèbre aussi la puissance de cet art vivant et ses artisans.