En 2015, elle a permis à un large public de La Voix de découvrir son immense potentiel. Deux albums complets plus tard et un Félix du meilleur album Jazz (pour Stay Tuned!) en poche , elle enchante avec son univers unique, créatif, rassembleur et bouleversant. Pour la première montréalaise entourant Stay Tuned!, Dominique Fils-Aimé s’est totalement approprié la Cinquième Salle de la Place des Arts , hier soir, plongeant le public dans une bulle intime et apaisante qui agissait toutefois comme un nécessaire électrochoc musical et humain.
Davantage monté comme une performance, le concert ne comprenait pas d’anecdotes, pas d’entracte. pas de pauses entre les pièces. Les morceaux, tirées principalement des excellents albums Nameless et Stay Tuned!, s’enchainaient avec une fluidité et une efficacité rarement égalées. L’audacieux pari d’offrir une formule de divertissement sortant du moule aurait pu être un échec et paraître rigide, mais tout le contraire s’est produit, et ce devant une salle presque comble. Une réalité étonnante compte tenu de la singularité de la proposition, mais ô combien rassurante, encourageante et jouissive pour l’émancipation de la diversité culturelle.
Qui plus est, Dominique Fils-Aimé , âgée de seulement 35 printemps, méritait amplement ce public attentif, nombreux et obnubilé (et lâchant régulièrement des Woo! de stupéfaction) qu’elle a eu le plaisir d’envoûter en étant tout simplement elle-même, c’est-à-dire une interprète poignante qui se fraie puissamment et tendrement une place dans notre âme pour la réchauffer. Le début a capella dans l’obscurité totale donnait déjà le ton et de multiples frissons. D’emblée, on savait qu’on assistait à un moment d’exception, marginal et incomparable. La lune de miel s’est évidemment poursuivi sur Strange fruit et l’arrivée douce et ingénieuse de Feeling Good de Anthony Newley et Leslie Bricusse.
Les couleurs chaudes, tempérées, feutrées, rauques et pastels de son impressionnant et émotif registre vocal se sont imposées presque instantanément. Son timbre rappelant Sade , tout en se distinguant, séduisait. Sa gestuelle aérienne, sa jupe satinée vaporeuse, son bustier noir recouvert de perles blanches faisant subtilement allusion à la Madonna de l’époque de Like a Virgin…impossible de détacher le regard et ne pas se sentir revigoré.
Les musiciens se sont arrangé pour nous donner une bonne leçon de jazz alors que l’apport vocal de la chanteuse incorporait d’intéressantes notes de soul, gospel, d’alternatif (à la Alt-J), de R’n’B et même un soupçon de rap par moments. Tous les artistes présents sur scène ont eu leur moment de briller, et ils en ont profité au grand bonheur de nos oreilles! Le solo du trompettiste Hichem Khalfa sur Where there is smoke/ There is probably fire était à couper le souffle au même titre que les percussions à la fois énergique et smooth de Salin Cheewapansri. Sur l’extraordinaire Gun Burial, Axelle Munezero a déployé une chorégraphie d’une précisions chirurgicale et d’une liberté galvanisante. Sa vitesse d’exécution a soulevé un torrent d’admiration.
Non, Dominique Fils-Aimé n’a pas prononcé un traite entre mots entre ses gracieux chants mais jamais une chanteuse ne nous a autant parlé et paru aussi animée tout en gardant les pieds bien ancrés sur le même faisceau lumineux presque tout le long du concert. Elle puisait ses cris étouffés, ses grognements et sa voix grave tellement profondément dans tout son être qu’ils vibraient à l’intérieur de nous et donnaient envie d’hurler nos propres rages et désirs. Dans une ambiance langoureuse et planante, l’artiste a exploré des thématiques lourdes mais jamais de manière mélodramatique, ce qui a fait en sorte qu’elles étaient bien plus percutantes. Son message d’espoir et de rédemption à travers les douleurs du passé qu’il faut chanter pour ne pas oublier était et restera effectivement mémorable. Sa foudroyante reprise en guise de rappel d’Ensorcelé de Daniel Bélanger a fait rêver à un effort en français alors que le salut final, Old Love, nouveau single qui vient tout juste d’être lancé, nous a enveloppés et, en quelque sorte, réconciliés avec nos anciennes blessures amoureuses.
Dominique Fils-Aimé est présentement en tournée partout au Canada et en France. Tous les détails ici! En espérant la revoir au Festival International de Jazz de Montréal en 2020 pour qu’elle rejoigne un auditoire encore plus considérable.
Crédits Photos : Stéphanie Payez, Éklectik Média