Le SHOWCASE des Francos 2018 – Les poètes modernes

Quand les conventions sont détruites

Il faut de l’audace pour présenter ses créations qui sortent des conventions. Mais c’est cette même audace qui hisse certains artistes au sommet. Ils rayonnent par leurs textes, par leur univers créatifs et, surtout, par leur charme irrésistible. Comme le veut l’existence des FrancoFolies de Montréal, il est là en partie afin de faire découvrir la relève musicale francophone, quelle soit québécoise ou bien européenne, à bon nombre de festivaliers.

C’est le cas pour les artistes Lydia Képinski, Émile Bilodeau et Hubert Lenoir, qui sont en ce moment sous les projecteurs. Ils ont livré un spectacle gratuit hier après-midi à l’Astral afin de nous démontrer un condensé de l’étendue de leur talent. Si rien ne les réunit tant au niveau de la personnalité que de leur genre musical, il reste que les trois artistes portent le flambeau d’une ère poétique nouvelle. Ayant assisté à leurs incroyables prestations, il n’en faut pas plus pour comprendre tout l’engouement qu’on leur accorde.

 

Lydia Képinski – la poète transcendante

Bien que son nom m’évoquait déjà quelque chose, cette jeune femme, je l’ai découverte hier. Je n’ai pu que tomber sous le charme de sa force tranquille, de sa belle mélancolie et de sa fragilité pendant le Showcase. Sa manière de manier les mots est sans contredit fascinante. Bien qu’il faille décortiquer à plusieurs reprises ses textes pour en saisir toute l’essence, reste qu’à elle seule, elle détruit les standards bien établis de la pop à grands coups de sabots. Son premier album intitulé Premier juin est l’exemple même d’une création unique et désaltérante. Lydia Képinski dénonce sans dénoncer les tabous de notre société comme la maladie mentale, le mal de vivre et les amours ardus. Des chansons qui durent plus de 6 minutes, c’est plutôt rare par le temps qui court. C’est une véritable prouesse artistique !

Elle a amorcé son spectacle en se mêlant à la foule en interprétant Les routes indolores (son clin d’oeil aux Mystérieuses Cités d’Or était franchement savoureux). Moment qui a conduit le public dans une sorte de transe par la force de la musique si joliment orchestrée, l’impact de ses paroles et de sa voix singulière. Mais nous ne restons pas sous hypnose bien longtemps puisque des pièces plus rythmées telles que Maïa, Sur la mélamine (dont j’ai véritablement eu un coup de cœur) et Premier juin viennent nous dégourdir et nous permettent de découvrir une artiste complète et authentique, le tout rempli d’une intensité bien dosé.

Il faut absolument que vous jetiez un coup d’œil à ce chef-d’oeuvre tant sur le plan musical que sur le plan visuel.

 

Émile Bilodeau – le parolier juste et sans prétention

Depuis maintenant deux ans qu’Émile Bilodeau fait son bonhomme de chemin en récoltant les honneurs. Son énergie explosive charme et continue de charmer. Le chanteur à textes qui a fait vibrer tout le Québec avec J’en ai plein mon cass ira de l’autre côté du globe en septembre prochain histoire de faire profiter de son talent à nos cousins les Français. C’est sa simplicité je crois qui fait de lui un artiste d’exception. Mais ce sont surtout ses textes, criants de vérité, et surtout accessibles, qui le met dans la mire de tous. Ses chansons traitant de sujets actuels tels que l’amour au temps des milléniaux, les éternelles crises existentielles et de notre besoin vorace d’avoir notre quinze minutes de gloire réussissent à rassembler les gens question de rire un peu de notre sort le temps d’un show.

Képinski a laissé la scène à Bilodeau. Tout de suite, on a été convaincus par son énergie sans bornes, ce qui a donné un excellent coup d’envoi. C’est avec une bonne humeur, un peu d’autodérision ainsi qu’une pincée d’ironie que le chanteur traite de sujets comme les ruptures difficiles, la vie et ses aléas ainsi que la mort. En passant de Tu me dirais-tu à Crise existentielle, suivi de Amour de félin à J’en ai plein mon cass ainsi que de Ça va (de loin ma chanson préférée!), Émile Bilodeau continue de maintenir le cap avec le sourire qu’on lui connaît, blaguant par-ci par-là histoire d’alléger les certaines lourdeurs de ses écrits. Mais tout ce qui est important à savoir, c’est que c’est une véritable bête de scène et qu’il faut impérativement le voir en show au moins une fois dans sa vie.

Si vous ne le connaissiez pas encore tout à fait, il est maintenant temps de le faire. Son album Rites de passage contient de véritables trésors. Vous pourrez le revoir au Francofolies le vendredi 15 juin avec un show completSara Dufour s’occupera de la première partie.

 

Hubert Lenoir – l’exubérant, mais attachant personnage

Il est impossible à l’heure actuelle que vous n’ayez pas encore entendu parler de lui. Il est exubérant, extravagant et, surtout, il livre un vaillant combat pour briser les tabous sur l’expression de genre. C’est un curieux personnage qui donne envie d’être qui on veut être. Fille de personne II en aborde justement le sujet. Il a fait sensation lors de son passage à la finale de La Voix 6, une apparition télévisuelle qui a soulevé un débat dans plusieurs salons du Québec. Qu’on l’aime ou pas, Hubert ne se laisse pas atteindre et continue de nous surprendre pas sa force de caractère et son je m’en foutisme exemplaire. Avouons-le aussi, il a un petit air attachant qui fait qu’on a envie de savoir ce qu’il a à nous offrir. Il a écrit et réalisé son premier album intitulé Darlène.

Les lumières tamisées, on y voit un Hubert Lenoir dansant sur le rythme calme de l’instrumental Fille de personne I vêtu seulement d’une chienne de travailL’artiste possède évidemment tout un sens du spectacle. C’est ensuite qu’il enchaîne avec la désormais populaire Fille de personne II en gesticulant dans tous les sens, simulant l’état d’ivresse. Si nous sentons parfois que ses chansons semblent décousues, il faut garder à l’esprit que tout fait partie du processus créatif, allant du personnage à son univers tout entier. Nous ne tombons toutefois pas dans l’impertinence, tout reste clair et limpide, il faut simplement garder l’esprit ouvert. Une mention toute spéciale à la chanson Ton hôtel qui a été une belle découverte pour moi. À la fin du  spectacle, il a conclu avec Fille de personne III et le chanteur s’est permis un petit crowdsurfing. Le public en a redemandé et nous avons eu droit à un rappel d’une toute nouvelle chanson, Cat Call.

Ce projet multidisciplinaire qu’il a créé avec sa copine Noémie Leclerc (elle a écrit un livre intitulé également Darlène) qui trace le portrait de leur génération vaut vraiment le détour. Une oeuvre qui ne demande qu’à se faire aimer.

 

Le festival des FrancoFolies de Montréal se poursuit jusqu’au 17 juin prochain. Il est encore temps d’y découvrir des tonnes de nouveaux artistes ainsi que de revoir des vétérans! 🙂