Spencer

Spencer : impériale Kristen Stewart ★★★1/2

Une fable inspirée d’une vraie tragédie. Cette phrase introduisant le film Spencer, à l’affiche en version originale anglaise et française au Québec depuis le 5 novembre, peut paraître banale, mais revêt d’une grande importance pour mieux plonger dans l’univers intérieur que Pablo Larraín s’imagine de la Princesse de Galles Diana Spencer lors du traditionnel séjour pour les Fêtes à Sandringham House qui a eu lieu en décembre 1991, un mois avant qu’elle se sépare du Prince Charles (même si le divorce n’a eu officiellement lieu qu’en 1996).

Il ne faut donc pas que les spectateurs s’attendent à un portrait biographique classique sur cette figure emblématique et adulée de la monarchie. Le film utilise un cadre réel pour mieux poser des éléments narratifs romancés et ainsi s’immiscer profondément et pertinemment dans les sentiments d’une icône désespérée qui ne plus tolérer de faire semblant pour sauver les apparences alors qu’elle n’a pas pleinement le contrôle de sa vie. Une fois cette proposition acceptée, il est plus aisé d’embarquer dans cette fable empreinte d’une poésie transcendante et extrêmement touchante, mais qui n’échappe pas à plusieurs temps morts entre deux métaphores fortes de sens.

En effet, Spencer regorge de moments cinématographiques et artistiques puissants, sublimes et déchirants qui rappellent ce que le réalisateur chilien avait brillamment exécuté dans Jackie en 2016 qui dépeignait le quotidien chamboulé de Jackie Kennedy (Natalie Portman) après l’assassinat de son mari. On a qu’à citer l’excellente scène dans laquelle Diana s’imagine croquer un collier de perles pendant un souper de famille où elle étouffe sous les conventions britanniques désuètes comme les repas trop gastronomiques et les tenues chics décidées des jours à l’avance par des domestiques.

Il faut également mentionner le symbole représenté par l’épouvantail de la famille Spencer sur la terre familiale abandonnée et ce superbe montage de Diana dansant seule dans l’opulence vide de la famille royale avec des costumes emblématiques saisissants de par leur texture et leur couleur pastel.

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Cette solitude extrême est magnifiquement illustrée dans un climat anxiogène qui, même avec la trame sonore de Jonny Greenwood qui donne des frissons d’effroi dans le dos , manque curieusement d’intensité. Même si on comprend que les silences insoutenables et la lenteur qu’ils entraînent sont justifiés pour saisir la vie pas si extraordinaire d’une princesse riche et célèbre, la durée de 111 minutes de Spencer aurait gagné à avoir un rythme plus resserré.

Dans la peau de Diana Spencer, Kristen Stewart relève le défi avec brio. La pressure était grande et les mauvaises langues se faisaient déjà un malin plaisir d’incendier sa prestation, mais le résultat dépasse les attentes et surprend délicieusement. La vedette de la saga Twilight de 31 ans prouve encore une fois qu’elle possède tout le talent nécessaire pour se défaire de l’image de l’adolescente introvertie mal dans sa peau. Sa performance impressionne sur le plan physique. La ressemblance physique est frappante au même titre que la gestuelle un peu naïve et le timbre de la voix. Kristen Stewart a un accent britannique. Son jeu épate également car un simple regard effrayé, une bouche entrouverte expriment la détresse psychologique de cette femme qui a tant à offrir à son peuple. L’actrice s’investit sans compromis dans les crises de larmes et de panique bien dissimulées dans la salle de bain pendant que les invités la pressent sournoisement de retourner à table.

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Stewart est solidement appuyée par Timothy Spall et la lumineuse Sally Hawkins dans le rôle d’une domestique dévouée à Diane qui ne souhaite que son émancipation de la famille royale. Leur conversation franche sur la plage est d’une tendresse infinie. Les scènes avec les jeunes William et Henry montrent également avec douceur la connexion qui unissait la mère et ses fils qu’elle voulait protéger de ce monde royal et  les élever d’une manière plus  »normale ».

Bref, Spencer est un film à voir absolument avant les Oscars, car certains artisans du film risquent d’être en nomination alors que la tête d’affiche est plus que jamais proche de tenir dans ses mains la statuette dorée…

3.5