Hier soir, au magnifique Cinéma du Musée des beaux-arts de Montréal, avait lieu la première médiatique du film Dérive qui prendra l’affiche partout au Québec dès ce vendredi 8 mars. Que le long-métrage atterrisse dans les salles lors de la Journée Internationale des femmes est un fabuleux hasard car il explore brillamment la féminité à travers une mère et ses filles de 11 et 16 ans qui vivent les répercussions d’un deuil familial. Ce trio, respectivement interprété par les incroyables Mélissa Désormeaux-Poulin, Maèva Tremblay et Éléonore Loiselle, brillait sur le tapis rouge en compagnie du réalisateur David Uloth et de la scénariste Chloé Cinq-Mars. Voici nos brefs entretiens avec eux.
Mélissa Désormeaux-Poulin
Selon toi, en quoi Dérive se démarque des autres films qui abordent également le deuil?
Je ne trouve pas que c’est un film sur le deuil. Pour vrai, je pense que c’est un film sur la résilience plus qu’autre chose. C’est un film sur le passage à l’âge adulte. Le deuil, c’est la prémisse, les personnages vont vivre avec ce vide-là. La vie peut devenir brutale et on ne s’attend pas à ça, mais ça nous fait devenir femme, et c’est ça que le film montre.
Les actrices qui interprètent tes filles, Maèva Tremblay et Éléonore Loiselle, en étaient à leurs premières armes au cinéma. Elles avaient des scènes dramatiques très intenses à jouer. Comment les as-tu épaulées?
C’était un plaisir de les accompagner car, de jeunes acteurs comme ça, ils sont vraiment ouverts. J’étais contente d’être spectatrice de ça. Ça s’est fait tout seul. Je suis une maman dans la vie, évidemment, je voulais les protéger. Je n’ai pas le choix de faire un parallèle avec ma vie car j’ai commencé aussi le métier petite. Je leur disais de faire attention à certaines choses. J’étais choyée de les voir commencer car je suis sûre qu’on va les revoir! Elles sont vraiment très bonnes!
Ton personnage, Catherine, montre ses failles. Elle ne prend pas toujours les bonnes décisions et elle parait parfois antipathique. Comment s’était de glisser dans ce contre-emploi alors qu’on te voit davantage interpréter des femmes droites?
À la base, je voyais Catherine encore plus torturée que ce qui est montré dans le film. Je la trouvais quand même assez lumineuse malgré tout. Oui, elle prend des décisions douteuses car elle est encore une adolescente qui va avec son coeur et avec ce qu’elle pense qu’il faut faire. Jouer ça, c’est le fun! Ce n’est pas le fun jouer des femmes parfaites, on aime ben mieux jouer du monde avec des failles. C’est mon trip dans la vie! J’étais donc à la bonne place sur ce film-là!
David Uloth et Chloé Cinq-Mars
Dérive suit comment trois femmes vivent un deuil un an après le drame. Nous sommes en présence de personnages féminins très forts. D’où est venu ce choix?
Chloé : J’aime les personnages forts! On est dans une culture paternaliste où souvent le regard de la femme est posé au masculin. La femme est moins active, c’est le pli naturel qu’on prend dans notre culture, mais je ne vois pas les femmes comme ça du tout! Je vois les femmes comme maîtres de leurs destinées. Même si elles subissent quelque chose de difficile, elles ne font pas que subir. Elles mènent l’action, elles font des choix. Elles décident de se battre. C’est aussi pour cela qu’on a décidé, David et moi, de prendre l’histoire plus tard à un moment où elles ont les moyens de leurs ambitions et la résilience pour passer à autre chose.
David : Les personnages font des erreurs. Ils tombent dans des pièges. Ils ne sont pas parfaits, ils sont humains. C’est le centre de ce film-là : une humanité optimiste.
Le film traite de sujets dramatiques mais jamais de manière mélodramatique. Quel a été votre angle d’approche?
David : Le mélodrame, c’est du vrai drame mal fait, et, nous, on l’a bien fait (rires)! C’est une question de dosage et d’exploration.
Chloé : Mais tu avais aussi une certaine pudeur. Quand les émotions devenaient très très intenses, ta caméra se retirait alors qu’il y a beaucoup de gros plans dans le film. On a l’impression d’être dans la tête des personnages.
David : Exactement! Lors des scènes plus dramatiques, c’était une question de décider ce qui était le plus vrai pour les personnages et aussi pour les spectateurs. C’était de savoir si on avait vraiment besoin d’être proche des personnages ou si c’était mieux de reculer un peu pour véritablement laisser vivre le malaise de la scène.
Comment Maèva Tremblay et Éléonore Loiselle vous ont affectés émotivement par leur interprétation de ces personnages forts?
Chloé : Elles n’ont eu aucune pudeur. Elles se sont investies à cent pour cent! Je n’avais pas l’impression de voir des actrices, mais de vrais enfants. Je suis coach d’acteurs. J’étais vraiment dans les émotions fortes avec elles, mais ce n’était pas éprouvant. J’avais une énorme reconnaissance. Il y a avait une immense générosité dans le processus. Elles se découvraient comme actrice. Elles réalisaient l’ampleur de leur capacité, de leur talent, et elles étaient fières d’elles. J’étais vraiment touchée et privilégiée d’assister à cela.
David : Chloé était aussi la directrice du casting. On a passé beaucoup de temps avec 300 filles pour trouver les meilleures actrices pour incarner ces personnages-là, et Maèva et Éléonore sont ces personnages. Comme j’étais réalisateur, je devais garder un peu de distance pendant le tournage, mais lorsque j’ai fait le montage, j’ai pleuré! Même après avoir vu les scènes 80 fois, j’étais touché par leur talent. Les gars en salle de mixage n’en revenaient pas que je pleure encore (rires)!
Éléonore Loiselle et Maèva Tremblay
Dérive est votre première expérience cinématographique. Qu’est-ce que vous avez trouvé le plus impressionnant sur le plateau de tournage?
Maèva : L’équipe, tous le gens qui étaient autour de nous pour nos performances. C’était un peu fou!
Dans le film, vous incarnez des sœurs qui se soutiennent à leur façon face à la perte de leur père. Comment avez-vous travaillé cette relation-là pour qu’elle soit aussi crédible?
Maèva: On a tout de suite cliqué! Même quand on faisait les auditions, il y a toujours eu une chimie. Sur le plateau, on se faisait appeler les sœurs cosmiques!
Éléonore : On a eu quelques événements pour se connaître. Ça a crée des liens, et ça a permis justement à la crédibilité de cette relation-là.
En quoi Dérive se démarque des autres films qui abordent également le deuil?
Éléonore : Le deuil fait partie de la vie. Ce qui est particulièrement intéressant dans le film, c’est qu’on voit comment on vit un deuil après un an. C’est un film qui fait prendre conscience aux gens comment le deuil peut persister encore et qu’il y a du travail à faire. Ce n’est pas quelque chose qu’on voit souvent au cinéma.
Mélissa, David et Chloé m’ont beaucoup vanté votre talent! Comment avez-vous vécu votre première expérience de tournage avec des artistes aussi établis et généreux?
Éléonore : Justement, je pense que nous avons été bonnes parce qu’on avait de beaux modèles qui jouaient super bien. Ça nous aidait beaucoup. C’est tellement réciproque ce qu’ils nous disent! Ça a été une richesse les avoir avec nous.
Crédits Photos : Stéphanie Payez/Éklectik Média