Parce qu’il permet d’enrichir l’expérience humaine dans l’enchantement et le déchirement, le théâtre fait partie de la liste des choses parfaites de bien des gens. C’est pourquoi le fait que le Théâtre Jean Duceppe débute sa saison post-confinement avec une pièce traitant des belles choses de la vie est une occasion parfaite à ne pas manquer!
Présentée jusqu’au 27 septembre, Toutes les choses parfaites de Duncan Macmillan est un solo théâtral galvanisant qui n’en est pas à sa premier vie à la mythique institution. Après une incursion couronnée de succès dans les 5 à 7 de Duceppe (pièce présentée dans les coulisses du théâtre) en 2018, la pièce a non seulement été adaptée pour la grande scène mais également pour respecter les instructions de la santé publique pour contrer la propagation de la COVID-19. Un beau défi considérant que l’oeuvre se veut interactive…
Le résultat s’avère magique aux yeux des spectateurs. Toutes les choses parfaites ne fait pas qu’ appliquer les règles sanitaires, elle s’en moque gentiment. Toujours dans le plus infini des respects, elle tourne au ridicule certaines mesures en les exécutant de manière exagérée, ce qui fait crouler de rire les spectateurs exténués par ce nouveau mode de vie imposé.
Par exemple, le protagoniste incarné avec brio par François-Simon Poirier attend le début du spectacle vêtu d’une combinaison de protection blanche et des gants bleus, et agissait comme si cet accoutrement était tout à fait normal. On peut également citer la désinfection de produits touchés qui se fait par un imposant écran de fumée blanche et un bruit sourd tout droit sorti d’un film de science fiction à la Alien ou Star Wars! Heureusement, ces idées ingénieuses sont utilisées avec parcimonie, ce qui fait en sorte que l’effet demeure divertissant et non lassant.
L’intrigue de la pièce va bien sûr au-delà de l’énumération de choses parfaites. Ce n’est que le point de départ, une idée que le protagoniste a eue enfant pour faire sourire sa mère dépressive. Au fil des ans et des épreuves difficiles qu’il traverse, la liste s’allonge et devient collective. Sa portée émotive fluctue au même rythme que les intentions derrière. Tout comme la vie.
Toutes les choses parfaites embrasse donc les moments de drames existentiels avec réalisme sans oublier son ton léger et rassembleur. Les spectateurs se sentent interpellés et s’identifient aisément aux questionnements et aux mauvais choix du protagoniste parce que le texte et la mise en scène demeurent fluides et vrais. On ne cherche pas à émouvoir à tout prix, et c’est exactement pour cette raison que le public devient attendri par l’histoire racontée.
Afin que le récit conserve son côté magique et divertissant malgré la douleur (héréditaire?) qui afflige le personnage principal, le public est efficacement mis à contribution, que ce soit par le biais de lecture de choses parfaites prédéterminées ou en incarnant un personnage qui a marqué la vie du narrateur pour rajouter du réalisme à la scène qui est sur le point de naître. Cela donne bien sûr droit à des moments cocasses, surtout que François-Simon Poirier est un fin improvisateur. Il réussit à mettre à l’aise les spectateurs contraints de participer. L’acteur a peut-être attendu plus de 15 ans avant de savourer ce moment de gloire sur les planches du Duceppe, mais on peut affirmer maintenant qu’il y a sa place longtemps. Il jongle entre la comédie et le drame avec un naturel désarmant.
Comme le but premier de la pièce est de se souvenir des choses qui rendent la vie belle même quand elle est atroce- et que c’est correct de le penser et l’accepter-, les spectateurs peuvent eux-aussi énumérer les choses qu’ils trouvent parfaites sur le site Internet du théâtre…juste ICI! Ça tombe bien parce que c’est exactement la première chose qu’on a envie de faire en sortant de ce théâtre qui nous avait tant manqué…
Crédits Photos : Caroline Laberge