Jungle Cruise : la petite cousine d’Indiana Jones ★★★1/2

L’immense succès et longévité de la franchise Pirates of the Caribbean peuvent facilement nous faire oublier que les 5 volets sont en fait inspirés d’un manège à Walt Disney. Le mythique studio, lui, ne l’a pas oublié. Il retente le coup avec un autre attrait touristique du parc Disney World. Ainsi est né Croisière dans la jungle (Jungle Cruise en version anglaise), à l’affiche depuis le 30 juillet partout au Québec et sur l’accès Premium de Disney+ au coût de 34,99 $. Sans réinventer la roue, ce récit d’aventure possède tout le charme des films familiaux d’action d’antan agrémenté de valeurs d’aujourd’hui qui feront rire et rêver petits et grands pour des raisons différentes.

Comme toute bonne histoire d’aventures qui se respecte, Croisière dans la jungle base son intrigue sur une légende. En 1916 en Angleterre, la docteure en botanique Lily Houghton (solaire Emily Blunt) se rend dans la jungle amazonienne en compagnie de son frère MacGregor (Jack Whitehall) pour trouver un arbre faisant fleurir des Larmes de Lune dont les pétales possèdent des vertus magiques pouvant guérir toutes les maladies et blessures inimaginables. Pour y parvenir, elle paie les services de Frank (Dwayne Johnson), un skipper d’apparence incompétent, mais qui a également les Larmes de Lune dans sa mire. Lors de cette croisière en eaux troubles, le trio devra également se mesurer à un prince allemand (Jesse Plemons) qui veut régner sur le monde entier et à une armée dirigée par le conquistador Aguirre (Edgar Ramírez) qui ont besoin des Larmes pour conjurer une terrible malédiction…

Le scénario suit à la lettre le schéma narratif d’une comédie d’action grand public : une quête à laquelle personne ne croit, des mésententes, des scènes hilarantes, des confidences touchantes, des rebondissements, une relation tendue qui laisse jaillir une pointe de romance et d’espoir, encore des rebondissements et des révélations choquantes avant de revivre d’autres rebondissements se soldant par une conclusion satisfaisante qui peut laisser entrevoir une suite. À l’intérieur de ce contenu éculé se glissent forcément quelques longueurs, particulièrement lors de l’acte visant à introduire les protagonistes, mais elles sont facilement pardonnées grâce aux surprises que réserve le contenu, spécialement en ce qui concerne le développement des personnages principaux.

Même si l’action se déroule en 1916, le film ne cautionne en aucun cas la bourgeoisie et le sexisme qui régnaient à cette époque ; il leur fait plutôt un savoureux pied de nez. Ainsi, malgré l’étonnement et les remarques constantes de la part de la gent masculine, Lily porte des pantalons et des chemises confortables. Elle ne se laisse aucunement impressionnée par la supériorité de ses confrères. Elle est déterminée et ose pour se battre contre ce qu’elle croit être juste. Le personnage s’avère donc être un inspirant et rafraîchissant modèle pour la nouvelle génération qui s’abreuve des œuvres de Disney.

Aux premiers abords, le personnage de MacGregor semble très caricatural. Avec son dégoût de la saleté, sa capacité à être facilement affolé et son goût prononcé pour les produits de marque et les vêtements raffinés, on peut en effet avoir l’impression que les scénaristes ont simplement affublé les stéréotypes féminins d’usage à un homme et vice versa. Heureusement, ses traits caricaturaux donnent lieu à plusieurs passages amusants avant de plonger dans une réalité à laquelle Disney n’est pas allé au bout souvent dans des films familiaux : l’homosexualité. Dans une scène simple mais extrêmement émouvante, MacGregor admet qu’il ne pourra jamais épouser des femmes, car il aime autrement et que seule sa sœur ne l’a pas rejeté en l’apprenant. Certains peuvent reprocher que le terme gai n’est pas été prononcé, mais la scène demeure l’une des plus marquantes et élégantes du film. En ayant Lili et son frère à bord de son bateau La Quila, Frank est poussé à évoluer dans ses mentalités et les spectateurs peuvent le faire à travers lui.

Ceci dit, on ne peut pas dire que les personnages secondaires, spécialement les vilains, ont une psychologie développée en profondeur. On demeure dans l’unidimensionnalité et les motifs manichéens pour expliquer la méchanceté et la soif de pouvoir. Les personnages campés par Jesse Plemons, qui surjoue l’accent allemand et la colère, et d’Edgar Ramírez ne se démarquent pas des clichés. Ils n’attirent aucune sympathie ou une haine viscérale qui tiennent les spectateurs en haleine et inquiets pour les héros. La présence de Paul Giamati, qui incarne le patron de Frank, manquait d’éclat et n’était pas des plus utiles. Dommage quand on pense que l’acteur a un potentiel comique énorme.

Le ton humoristique de Croisière dans la jungle frappe dans le mile. Les calembours lancés à tout vent par Frank s’avèrent si ingénieux qu’il est impossible de ne pas au moins esquisser un sourire. La plupart des blagues comportent plusieurs couches d’interprétation, ce qui fait que les adultes trouveront également leur compte. Quand le rythme s’étiole, les cinéphiles plus âgés pourront se rabattre sur les décors et les costumes qui sont tout simplement splendides. On ne s’étonne pas de la part de Disney que l’argent soit à l’écran, mais les reconstitutions et le souci du détail dans les accessoires arrivent toujours à impressionner. On peut en dire de même pour les effets spéciaux et les maquillages qui suscitent positivement du dégoût à plusieurs reprises.

La trame sonore concoctée par James Newton Howard rappelle grandement celle, épique, de Pirates of the Caribbean, mais s’avère trop appuyée lors de grands enjeux dramatiques du film, atténuant parfois la portée des émotions. Cependant, l’idée d’utiliser la pièce Nothing else matters de Metallica et d’y ajouter des arrangements symphoniques est d’une efficacité irrésistible, et on espère qu’elle engendra des petits dans les prochaines productions de Disney.

Dans les rôles principaux, Emily Blunt et Dwayne Johnson partagent une chimie adorable qui trouve son apogée lors des répliques assassines et sarcastiques que se livrent les personnages, ce qui créent des tensions qui séduisent surtout les adultes. Emily Blunt montre encore une fois sa grande polyvalence. Elle est magnétique, intense et engageante du début à la fin. De son côté, Dwayne Johnson joue l’homme sympathique et espiègle à merveille, mais c’est un registre de jeu auquel il est maintenant habitué -et les spectateurs aussi-, ce qui devient un peu redondant. Certaines scènes plus intimes lui permettent de sortir légèrement de sa zone de confort, mais, malgré qu’il soit crédible, il manque un peu de nuances.

Bref, Croisière dans la jungle est un divertissement de qualité qui s’inscrit dans la lignée des Pirates of the Caribbean, The Mummy et Indiana Jones tout en ayant sa propre couleur. Les personnages attachants, les prises de vues majestueuses et l’humour sarcastique nous donnent certainement envie de réserver une seconde croisière avec cet équipage!

Croisière dans la jungle
3.5

Film famillial et d'aventure de Jaume Collet-Serra, 128 min -Au cinéma et sur Disney+

Divertissante, drôle, surprenante et même touchante, cette croisière dans la jungle s’inscrit dans la lignée des Indiana Jones, The Mummy et Pirates of the Carribean tout en faisant l’étalage de sujets actuels comme le féminisme et l’homosexualité.

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