Un film français qui se nomme Les Misérables dont l’affiche est criblée de drapeaux de la France et de gens en liesse dans les rues de Paris…on pourrait croire qu’il s’agit d’une énième relecture du roman culte de Victor Hugo, mais on a plutôt droit à un créateur qui s’inspire de l’oeuvre pour démontrer ce qui définit le misérabilisme dans notre monde actuel. Ladj Ly s’est basé sur son court-métrage du même nom de 2017 pour offrir une excursion plus crue et bouleversante des ghettos français qui attire -avec raison- l’attention comme peut en témoigner sa nomination aux Oscars dans la catégorie du Meilleur film étranger.
S’apparentant un peu à l’approche préconisée dans le film Training Day d’Antoine Fuqua , Les Misérables suit la première journée de travail de Pento (Damien Bonnard) au sein de la brigade anti-criminalité de Montfermeil à Paris. Policier compatissant et attaché au protocole, il réalise rapidement qu’il est confronté à des méthodes peu orthodoxes et irrespectueuses par ses collègues qui se convainquent naïvement que leurs abus de pouvoir se justifient car c’est l’unique moyen de freiner les cruels actes de vandalisme commis par des ados et préados pratiquement laissés à eux-mêmes dans leur désespoir. Les tensions s’enveniment à un point de non retour lorsqu’un terrifiant vol de lionceau fait rage…
L’intensité est constamment à son comble dans Les Misérables. Une poursuite haletante réussit l’exploit de captiver tout en faisant réfléchir sur les psychologies déviantes des protagonistes. Portrait hautement réaliste de la brutalité policière, le film ne fait toutefois jamais la morale à son sujet. Il se contente d’exposer la réalité de la manière la plus crue et transparente possible afin que les spectateurs en tirent leurs propres conclusions. La caméra fébrile nous glisse dans l’action d’une manière à nous donner d’impression d’être dans la peau des protagonistes. On ressent leur peur, joie, colère et peine. En ce sens, l’effroyable scène finale constitue un tour de force déstabilisant. Et dire que c’est la réalité de plusieurs personnes à travers le monde. Peu importe que certains gens exécrables mériteraient de telles conséquences, il faut que cette violence gratuite cesse mondialement.
Certes, le titre fait référence au profilage raciale et aux excès faits sur le dos de la loi, mais le film décortique bien plus de cas misérables. Ce sentiment se décline en effet de plusieurs façons, et le cinéphile pourra se faire ses propres interprétations. La scène d’ouverture se déroule pendant des célébrations suivant la victoire de la France lors de la Coupe du monde en 2018. Est-ce misérablement égoïste d’être fier de son pays et se faire croire que tout va bien alors que des quartiers défavorisés dans tout Paris regorgent d’enfants qui sacrent, volent, s’espionnent, bref qui agissent comme des adultes blasés avant le temps? Et si le vrai misérabilisme était que tous ces gestes viles naissent d’un manque d’amour et d’affection… Comment apportons-nous concrètement et à long terme de l’amour aux adultes et aux enfants qui n’ont pas l’impression que leur vie ait du sens? Il faudrait peut-être y songer pour que les mesures d’intervention qu’Emmanuel Macron souhaite mettre en place depuis qu’il a visionné le long-métrage fassent enfin réellement une différence…