Vivre à 100 milles à l’heure : contrôler les dérapages

Seule offrande québécoise en compétition officielle au Festival du Film Francophone d’Angoulême, Vivre à 100 milles à l’heure rejoint sans peine l’exhaustive catégorie de films d’ici sortis en 2018-2019 abordant le houleux passage à l’âge adulte. Le septième long-métrage de Louis Bélanger (Post Mortem, Gaz Bar Blues, Route 132, Les mauvaises herbes) souffre toutefois légèrement de cette tendance, le public ayant vu un peu trop de films explorant le même thème, et avec un traitement plus original. Ceci dit, sans être l’oeuvre la plus poignante du cinéaste, Vivre à 100 milles à l’heure arrive à imposer ses couleurs grâce à une réalisation dynamique, une distribution épatante et un scénario teinté d’une belle folie rendant nostalgique d’une époque qu’on a connue ou non.

Ce récit autobiographique qui s’accorde de très grandes libertés se déroule dans les années 70 dans la ville de Québec et s’étire sur approximativement huit ans. On y suit la bande de Louis Jacques (Matt Hébert, Elijah Patrice-Beaudelot et Rémi Goulet), de sa préadolescence jusqu’à sa majorité. En quête d’émotions fortes, ce trio qui veut vieillir trop rapidement s’embarque innocemment dans le commerce de la vente illégale de drogues jusqu’à franchir un point de non-retour.

Contrairement aux images que suscitent un tel résumé et la bande-annonce, l’oeuvre ne ressemble en rien à un road trip movie ou à un film de stoner à la Harold&Kumar ou Requiem for a dream. La présence des drogues n’est qu’un prétexte parmi tant d’autres pour démontrer cette urgence de vivre à fond, de transcender le moment présent et de de combattre le quotidien trop souvent ennuyant. Ce désir d’être des adultes et profiter des bienfaits qu’apporte une fortune gagnée sans trop d’efforts prend une place énorme dans le cœur des personnages. Eux-mêmes n’arriveraient sans doute pas à expliquer pourquoi. Pourtant, leur quête identitaire s’avère prenante et compréhensible. En tant que public, nous avons qu’un seule envie : serrer ces ados dans nos bras, leur dire de continuer de croire en leurs rêves mais que tout ce qui doit arriver va arriver aux moments opportuns.

Le montage parvient habilement à montrer l’évolution de la ville de Québec au fil des années. La reconstitution de l’époque est juste et attirante. La caméra de Louis Bélanger ne manque pas de mordant et d’inspiration. Elle entraine magnifiquement et simplement les spectateurs au cœur du récit sans ne jamais prendre trop de place. Le scénario, malgré quelques scènes accumulant les longueurs, comporte des répliques fignolées avec authenticité. Les moments cocasses et les tensions dramatiques s’envoient la balle avec fluidité et vérité.

L’amitié, tantôt inébranlable tantôt conflictuelle, réussit à rendre jaloux tous les cinéphiles qui ont rompu le lien pour de mauvaises raisons avec leurs premières bandes d’amis. De plus, sans aucune once de morale, le film souligne l’importance de réaliser ses rêves et d’embrasser les épreuves car elles nous forgent et nous font grandir malgré leurs empreintes tragiques. Ça semble cucul la praline détaillé ainsi, mais Vivre à 100 milles à l’heure tend avec intelligence et sensibilité à l’introspection.

Du plus jeune ou plus vieux, il n’y a aucun acteur qui offre une performance exécrable, autant qu’aucun d’eux ne se distingue de façon spectaculaire. Tous jouent avec les nuances nécessaires, proposant ainsi un ensemble égal et crédible.

Vivre à 100 milles à l’heure prendra l’affiche au Québec le 27 septembre.

Crédits photos : Véronique Boncompagni

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