Jana Sterbak

Jana Sterbak : Fragments de réciprocité

Pour la toute première fois à Montréal, une exposition d’art contemporain est jumelée avec des objets ethno médicaux. C’est ce que le Musée des Hospitalières et l’artiste de renommée internationale Jana Sterbak nous proposent, une fascinante exposition nommée Corpus insolite : Jana Sterbak. Figure majeure de l’art contemporain, Jana Sterbak a exposé dans de nombreuses galeries privées et de grands musées dont le Musée des beaux-arts du Canada, le MOMA de New-York, le MAXXI Museum à Rome etc. Sa pratique s’étend sur plus de 40 ans. C’est son deuxième contact avec le Musée des Hospitalières, car en 1995 elle leur a emprunté une table d’opération dont elle s’est servie pour une exposition au Centre Georges Pompidou à Paris.

L’artiste a visité la réserve du musée, riche de 30000 artéfacts, en compagnie de la commissaire de l’exposition, Johanne Sloan, et elles ont choisi des objets du quotidien des religieuses et de l’équipement de l’Hôpital Hôtel-Dieu de Montréal. Les créations de Sterbak sont disséminées à travers les artéfacts du musée sur deux étages. La mise en lumière de la représentation est inhérente aux endroits choisis par l’artiste et la commissaire pour présenter les œuvres. Les liens sont là, à découvrir pour certains, la lecture des cartels nous permet de saisir la démarche artistique.

Crédit photo : Esthel Gilbert

Le but de Sterbak est de faire intervenir ses œuvres dans une collection existante où l’on trouve des objets hétéroclites. Dans ce cas-ci, il s’agit d’établir une résonance avec le monde religieux. De manière analogue, en 2014 elle est intervenue dans la collection du Monastère Montserrat à Barcelone.

Ses œuvres font référence au vieillissement, à la mort, au temps qui passe. De ce rattrapage temporel, elle nous dévoile au compte-goutte des fragments de sa notion de réciprocité. Ainsi ses créations fabriquées avec des matériaux inusités s’intègrent dans le corpus du musée pour offrir une lecture inattendue de communication avec les artéfacts religieux et médicaux, rapidement un dialogue s’installe.

Crédit photo : Esthel Gilbert

À travers les broderies et sentences encadrées des petites sœurs, Jana apporte une sophistication en parallèle. Cela peut paraitre étrange quelquefois, mais c’est toujours évocateur d’émotions, de réactions. Nous passons de différents traumas à la relation à notre corps. Ainsi s’affiche la matérialité qui englobe notre chair, nos muscles, nos os, le sang, les poils, la mesure des limites physiques et physiologiques du corps humain.

Parmi les quinze œuvres choisies par l’artiste pour l’exposition; la robe blanche féminine et ses poils de poitrine masculins, Chemise de nuit (1993). La robe de chair Vanitas : Flesh dress for an Albinos Anorexic (1987; 2025) refaite pour cette exposition, présente le vêtement comme un substitut, un enrobement du corps. L’œuvre Cônes on hand (1979), accompagnée de reliquaires datant de 1889 sont en parfaite symbiose. Une magnifique pièce en verre soufflée Perspiration: Ol factory Portrait (1995) dans laquelle l’artiste a introduit de la sueur chimiquement reconstituée évoque la préciosité des fragments conservés dans les reliques religieuses. Une vitrine où est disposée une reproduction à l’identique d’ossements fabriqués en chocolat Catacombes (1992). Nous pouvons aussi regarder la vidéo Artiste as combustible (1986) où elle enflamme son crâne, cette œuvre a été présenté lors de sa dernière exposition solo au MAC de Montréal en 1993.

Crédit photo : Esthel Gilbert

Jana tricote des liens à l’image de l’œuvre en vitrine du musée, Masque (2014) et ses multiples représentations, utilisé en médecine lors de la peste, pour le masque du mardi gras, comme objet de prophylaxie, ou encore dans la tragédie grecque antique, ce qui l’intéresse particulièrement, c’est l’anonymat du masque. L’expo permet de redécouvrir la collection du musée, à cet effet Jana Sterbak déclare qu’un des buts de ses expos dans ce genre de lieux permet d’attirer d’autres publics et de démocratiser l’art contemporain, en effet.

Au Musée des Hospitalières de Montréal, du 29 janvier au 24 août 2025 par la suite, l’expo (seulement les œuvres de Jana Sterbak) poursuivra son chemin jusqu’à la Fondation Esker de Calgary.