Le Destin tragicomique de Tubby et Nottubby

Un conte de Noël sur fond de fin du monde.

Le soir de Noël, sur les bords de la Tamise à Londres, deux clowns arrivent en pleurant. Une rencontre bouleversante pour une épopée incroyable ; un voyage initiatique jusqu’au royaume des morts.

Louis Fortier et Sophie Brech posent leurs valises le temps d’une nuit dans le Théâtre d’Outremont pour nous présenter deux personnages savoureux, Tubby et Nottubby. Ces deux personnages clownesques sont, aux dires des acteurs, comme des frères. Voilà des années maintenant qu’ils font partie de leur vie, et plus de 10 ans aujourd’hui que tourne le spectacle « Le Destin tragicomique de Tubby et Nottubby ». Bien sûr, avec le temps, le spectacle a évolué. Aujourd’hui, les artistes nous font voyager dans leur univers enchanteur et sont épaulés par une belle équipe. Arnaud Gautelier et Renaud Penelle gèrent la partie graphique ; quant à Louis Sédillot, il a fait un magnifique travail sur la composition et les arrangements musicaux.

Aussi, ce soir, cette veillée de Noël est particulièrement triste pour Tubby et Nottubby. Ils sont prêts à en finir. Mais le destin est un drôle de farceur ; à la manière d’un Puck créant un enchantement, ils se retrouvent côte à côte, se découvrent et voient naître leur grande amitié. À partir de cet instant, ils vont vivre des aventures étranges, parfois même inquiétantes. Ils s’enrôleront dans l’armée, effleureront la lune, seront perdus en mer, et feront même un show digne de Las Vegas au Royaume des Morts.

 

Sophie Brech et Louis Fortier se sont rencontrés alors qu’ils étaient de jeunes élèves à la prestigieuse école de Monsieur Jacques Lecoq à Paris. Ils ont eu l’immense chance de suivre les cours du maitre avant son décès. Louis Fortier, québécois au grand cœur ; et Sophie Brech, anglaise à l’humour décalé ; forment, à la vie comme à la scène, un merveilleux duo. Ces deux-là sont complémentaires. Dans le visuel, il y a du Laurel et Hardy ; dans le phrasé, une verve québécoise et un accent british ; dans l’énergie, Louis court partout, alors que Sophie possède ce flegme britannique … et ce duo fonctionne à merveille ! On y ressent beaucoup de complicité, de joie d’être sur scène et de partager avec le public, et surtout, beaucoup d’amour.

Les codes clownesques permettent des situations ubuesques qui sont un régal pour le public. Les objets se transforment et sont détournés à souhait. Et surtout, on y retrouve beaucoup de pépites culturelles. Par exemple, Tubby & Nottubby n’hésitent pas à pousser la chansonnette en de nombreuses occasions. Une manière subtile de raconter leur vie sur des airs connus avec des textes adorables et poétiques (on reconnaitra « Le Gorille » du grand Brassens et bien d’autres encore).

Mais le plus grand plaisir se trouve dans l’hommage qu’ils rendent à William Shakespeare. Grands admirateurs de l’œuvre du maitre, ils jouent avec des références que les passionnés shakespeariens découvrent avec joie. Ainsi Tubby, pour tromper le temps, voulant recréer une des scènes de la pièce  «Jules César », se met à déclamer le célèbre monologue d’Hamlet « To be or not to be ». Un beau clin d’œil aux jeux de mots du nom même des deux clowns.

Le jeu des acteurs est beau, drôle et touchant. Comme disent Louis et Sophie c’est « le grand jeu de la Vérité » ; et, à la manière des enfants, ils jouent, ils s’amusent sur scène, mais avec une profonde sincérité. « Pour vrai de vrai » ! La musique est sublime, enveloppant le spectateur dans cet univers onirique où tout est possible, le meilleur comme le pire. Les animations graphiques sont de petits dessins animés parfaitement ajustés à Tubby et Nottubby. Elles permettent de donner plus de précision et de rêverie aux spectateurs. La scénographie est d’une grande simplicité, presque enfantine, et fonctionnelle. Des draps doux et souples qui, à la manière des coussins du canapé qui se transforment en château fort, deviennent des toiles de parachute, l’océan, la tempête de la fin du monde,…

Après la représentation du 8 novembre, les acteurs ont effectués un bord de scène. Cette rencontre avec le public a permis de dévoilé ô combien pour les artistes il est hallucinant de voir à quel point leur spectacle colle à l’actualité de notre monde. Un spectacle qu’ils ont écrit il y a une dizaine d’années. La dissolution de l’Union Européenne, le Brexit, les guerres de pétrole, la peur de l’avenir… Pourtant, dans tout ce chaos, nait un amour entre deux êtres. Cette fleur qui s’épanouit sur les cendres du monde est magnifique. Et c’est là le plus beau message, le plus beau cadeau qu’offrent Louis et Sophie. Quoiqu’il arrive, rien n’est plus beau et plus important que d’avoir une personne que l’on aime et sur qui l’on peut compter à ses côtés. Fusse-t’il besoin, à la manière d’Orphée, de traverser l’Enfer pour la retrouver.