Diane Dufresne : un 75e symphonique incandescent!

Pour ses 75 ans, Diane Dufresne se fait et nous fait plaisir en offrant à son quatorzième album, l’excellent Meilleur après, une tournée symphonique. Ce retour avec du matériel original onze après le disque Effusions était évidemment forcément attendu, comme en témoigne les trois concerts à guichets fermés à la Maison Symphonique de Montréal. Le coup d’envoi s’est déroulé hier soir devant un public complètement subjugué bien avant les premières notes de l’infatigable et impressionnante autrice-compositrice-interprète.

Sous une ovation debout, l’artiste est apparue sur scène sobrement portant une création de Marie St-Pierre, sneakers noirs étonnamment bien assortis. Déjà, la salle comble savait qu’elle aurait droit à une Diane Dufresne fidèle à sa personnalité joliment folle et intense. Après une séduisante entrée en matière avec le titre De l’amour fou, celle qui a blagué qu’elle s’est plutôt mise sur son 75 que sur son 36 a admis que l’amour fou, elle le portait en elle. Impossible de ne pas la croire et de ne pas y adhérer aveuglément et passionnément !

Mêlés aux somptueux arrangements des 75 musiciens dirigés par Simon Leclerc,  la spontanéité de ses mouvements aussi gracieux qu’imprécis ainsi que le  riche et bouleversant vécu émanant de sa spectaculaire voix ont suscité sourires et poignants pincements au cœur. Malgré tous les incroyables et audacieux projets qui ont foisonné son cheminement artistique, Diane Dufresne a humblement confessé que cette invitation de l’Orchestre symphonique de Montréal lui donnait un vertige exaltant, mais c’est elle qui nous l’a donné en étant tout simplement et farouchement elle. Pas un personnage. Elle. Une artiste investie qui nous convie sans censure dans son univers  à la poésie unique où trône sa nature amoureuse. L’amoureuse de l’amour, de la vie, de la douleur et de la sublime nature qu’on néglige.

Devant un public attentif et participatif aux bons moments, Diane Dufresne a judicieusement épluché sa discographie garnie pour en extirper que les pièces dégageant sa vision actuelle des sentiments amoureux, de la déchéance politique et de l’écologie plus importante que jamais. Cela a crée un spectacle fabuleusement original, serein, cohérent et, on doit le souligner, légèrement déroutant pour tous ceux et celles qui s’attendaient à une rétrospective de ses plus grand succès rock. On a certes eu droit aux grandioses Que et à une subtile et percutante fusion d’Hymne à la beauté du monde et d’Oxygène qui ne manquait  pas de modernité, mais l’accent était davantage axé sur les puissants textes de Cyriel Mokaiesh et les musique de Catherine Major que l’on retrouve sur Meilleur après.

Même si l’imposante présence d’un orchestre limite les possibilités de décor, Diane Dufresne n’a évidemment pu s’empêcher de se démarquer du lot. De façon délicate mais poignante, la scène prenait des allures d’un lumineux jardin grâce à des lustres suspendus par de fausses branches d’arbres et de la verdure longeant l’arrière-scène. Les arrangements de Simon Leclerc, tantôt doux tantôt foudroyants, élevaient solennellement les chansons et contribuaient à rehausser la portée de leur histoire. Ce fut notamment brillamment le cas sur Comme un damné qui possédait alors un aspect lugubre et inquiétant.

Vêtue d’une veste de soie trainant au sol, la star  a matérialisé son opinion sur le showbiz avec la mélancolique et cruellement vraie La Star de Daniel Lavoie. Se sentant inconfortablement près de cette réalité, Diane Dufresne a livré ce récit d’une vedette se questionnant sur sa pertinence condamnée avec une telle amertume et de tels nuances dans le registre vocal qu’il était insensé de ne pas se sentir happé et touché. Malgré qu’elle s’insurge et se désole face à fatalité de notre société contrôlée par la peur, la chanteuse a fait preuve d’optimiste avec le magnifiquement troublant hymne à l’expérience humaine Mais vivre qui a procuré des frissons à bien des spectateurs.

Ces derniers ont été enchantés de constater que ce concert, même s’il ne servait pas les plus grands tubes, avait l’intention première de démontrer l’affection de l’interprète vis-à-vis son public adoré. Traduction francophone d’une pièce de StingJe me noue à vous s’est avérée être la quintessence de cette main désespérément tendue vers l’autre, casque de style baroque recouvert de plumes en prime, rappelant ainsi que la démesure et la flamboyance d’autrefois ne disparaîtront jamais.

Diane Dufresne  se produira à la Place des Arts les 11 et 12 septembre avant d’offrir  quelques concerts symphoniques supplémentaires à Ottawa, Québec…et Paris! Tous les détails sont disponibles ici.

Crédits Photos : Antoine Saito, OSM