Après la classification des Canadiens de Montréal à la grande finale de la Coupe Stanley, des festivités enflammées et sécuritaires pour la Fête nationale, c’est maintenant au tour du FestiVoix de Trois-Rivières de lancer sa vingt-septième édition dans une formule certes revisitée et plus intime mais qui fait grandement du bien, car elle se rapproche drôlement de l’expérience habituelle en festival.
L’artiste qui a ouvert ce bal est nulle autre que Elisapie, lauréate dans la catégorie Autochtone de l’année au Gala de l’ADISQ en 2020. Sur le coup de 18 heures, elle a foulé la scène du Jardin des Ursulines pour nous plonger dans son univers polyglotte envoûtant, enrichissant et important.
L’autrice-compositrice-interprète de 44 ans a offert aux nombreux festivaliers présents son spectacle issu de sa tournée The ballad of the runaway girl qui devait se terminer il y a un an, mais qu’elle n’a pas fait depuis plus d’un an, pandémie oblige. Sans répétitions avec ses musiciens, elle a laissé son esprit se souvenir de ce doux projet qui l’habite depuis plus de deux ans et demi. Cela a donné lieu à une soirée remplie d’authenticité, d’instinct et de moments émouvants qui ont grandement satisfait le public qui n’a pas lésiné sur les applaudissements et les ovations.
Le concert a démarré intensément avec des paroles en inuktitut et des arrangements rock accrocheurs saupoudrés de chants de gorge de la part d’Elisapie qui donnaient des frissons. Cette intensité est revenue par ci par là, entrecoupée par des ballades tantôt en anglais tantôt en français tantôt en inuktitut qui étaient tout aussi prenantes.
La plupart des chansons interprétées venaient de l’album de 2018 The ballad of the runaway girl, album qui a valu à l’artiste et réalisatrice les Felix de l’album de l’année-Autres langues et réalisation de disque de l’année en 2019 ainsi que celui du spectacle de l’année -Autres langues en 2020. Parmi celles-ci, la pièce titre, la chanson Una inspirée de sa grand-mère et Ton vieux nom co-écrite avec Natasha Kanapé Fontaine ont résonné fort dans le cœur et l’âme des festivaliers grâce au magnétisme d’Elisapie qui dégageait sur scène autant la sérénité avec les mouvements aériens de sa robe que l’intensité avec la fougue caractérisant sa voix singulière. Cette énergie électrique a été particulièrement tangible lors de la livraison de la pièce Wolves don’t live by the rules popularisée par Willie Thrasher en 1981 qui a permis à l’audience de s’agiter et de chanter un peu.
Au-delà des chansons, les interactions d’Elisapie avec le public valaient aussi le détour. Celle qui est derrière l’idéalisation et la direction artistique du spectacle Le grand solstice qui met de l’avant la Journée nationale des peuples autochtones (disponible gratuitement ICI) a bien sûr fait rayonner sa culture et ses origines qui méritent d’être plus vues et reconnues dans tout le Québec. Elle a livré son message d’espoir, de représentativité et d’amour envers toutes les races sans complaisance, ce qui a permis à la foule d’y adhérer pleinement. Les spectateurs ont même pu apprendre quelques mots innus, car Elisapie traduisait automatiquement en français certains d’entre eux comme merci.
La reconnaissance d’Elisapie envers le public était également extrêmement palpable. Elle a reconnu son émotivité face à ce retour sur les planches avec une contenance qui a donné droit à des moments sympathiques et attendrissants. La chanteuse a confié que la communion avec les spectateurs et la musique représentait le moment où elle s’autorise de déposer réellement ses émotions et les accueillir librement. Ce sentiment s’est répercuté chez le public qui se reconnaissait pleinement dans ces propos.
Avant les rappels d’usage, Elisapie a terminé avec la pièce Arnaq, qui signifie femme, et qui célèbre la force des femmes et le respect que les hommes doivent avoir envers elles en tout temps et malgré l’éducation qu’ils ont eue. Elle devait interpréter cet excellent hymne un peu plus tôt dans le spectacle, mais elle a attendu l’arrivée de son fils né en 2018 sur le site, puisqu’il s’agit de sa chanson préférée, qu’il a innocemment rebaptisé Ayaya. Ce retard imprévu de sa famille a donné lieu à une finale spontanée qui revêtait quelque chose de magique. Quand le hasard fait bien les choses…
Elisapie fera quelques spectacles cet été dont au Festif! de Baie-Saint-Paul. Elle a amorcé l’écriture pour un futur projet, mais elle se concentre davantage sur le tournage du documentaire Hudson’s Bay(bies) en compagnie de Sophie Fortier.
Crédits Photos : Stéphanie Payez, Éklectik Média