Dans le cadre des Francos de Montréal, nous avons discuter avec Stefie Shock de son dernier album, Le fruit du hasard, et ce qu’il souhaite transmettre lorsqu’il se produit sur scène.
Il s’agissait de ta douzième participation aux Francos (18 juin 2019). Après autant de fois, est ce que le stress est plus facile à gérer ou, au contraire, la nervosité est encore plus intense ?
Ça reste pareil! Le trac fait partie du processus, on ne s’en sort pas. Y’en a qu’ils l’ont moins que d’autres, c’est un peu inexplicable parce que, dès qu’on met le pied sur la scène, ça disparait, mais on a beau le savoir, on ne se dompte pas. Un moment donné, j’étais assis dans la loge, tout seul, une heure avant le show pis j’ai eu comme un coup de déprime. Je n’aurai pas voulu que le concert soit annulé pour autant, mais je me demandais pourquoi je fais ça. Par contre, un coup sur la scène, je sais pourquoi je fais ça.
Et pourquoi fais-tu ça ?
Je ne le sais pas (rires) ! Je fais ça parce que j’ai besoin de jouer devant du monde, de communiquer quelque chose pis de recevoir quelque chose aussi. J’ai besoin cette dynamique-là avec le public. On dirait que c’est vital !
Justement tu disais que tu aimais que ce show-là soit dansant et qu’il n’y ait pas de temps mort. En quoi c’est encore plus important quand c’est un spectacle extérieur ?
La difficulté des concerts extérieurs, souvent, c’est le son qui ne voyage pas comme dans une salle. Aussi, le public est dispersé, en ce sens que ce n’est pas seulement des fans , c’est aussi des gens de passage et des curieux, donc ça a le bon côté qu’on peut élargir son fan base. Par contre, parfois, il y a un manque d’énergie qui circule parce qu’il y a des gens qui sont plus tranquilles que d’autres. Il y en a qui sont sur leur cellulaire aussi. J’aime que les gens soient exubérants.
Faire un spectacle dansant t’empêche de chanter certaines ballades. Est-ce que tu envisages de faire un spectacle concept où tu mettrais tes chansons plus douces en valeur ?
Non ! Pas pour l’instant, ce n’est pas dans ma nature. J’aime bien faire sur disque toutes sortes de styles pour les chansons, il y en a des plus douces que d’autres, mais, en concert, c’est toujours l’instinct du DJ qui prévaut. J’ai peur de m’ennuyer en faisant une chanson lente ou que les gens s’ennuient. Peur de casser le rythme , peur de casser l’ambiance et de devoir ramer pour repartir le monde un peu comme un DJ. Ça m’est arrivé souvent dans ma carrière de DJ de faire le mauvais choix de chanson, de penser que c’est la bonne à faire jouer pis que ça va garder la piste de danse remplie ou amener des nouveaux pour finalement la vider! C’est très humiliant et très difficile pour un DJ. Après ça, il faut trouver une formule pour ramener tout le monde, fait que j’ai pas envie de cette cassure-là !
Tu as lancé un nouvel album au mois de mars, Le fruit du hasard , dont tu es très fier. Tu dis qu’il y a quelque chose de viscérale dans cet album qui te donne envie de le jouer longtemps sur scène. Comment ce disque a pris forme?
En partie avec des idées que j’avais depuis un bout de temps. J’accumule beaucoup de stock, d’idées. J’enregistre des mélodies que j’ai dans ma tête sur dictaphone. J’enregistre un petit quelque chose dans mon studio. Parfois, je l’amène tout de suite à terme. Parfois, je ne sais pas quoi faire avec, donc je laisse ça dormir. Une chanson comme Le fruit du hasard , ça vient d’une mélodie que j’avais en tête simplement alors que d’autres chansons, comme Freak d’amour, c’est un riff de guitare que j’ai composé à la fin des années 90. Je n’avais jamais trouvé d’idées pour aller avec ce riff de guitare-là, mais il me tenait à cœur. 20 ans plus tard, je trouvais ce riff-là encore excellent et j’ai fini par en faire une chanson!
Est-ce pour cette raison qu’il y a deux versions à la chanson ?
Il y a eu deux versions parce que la première, qui est sortie en single seulement l’été passé, je considère que je l’ai ratée pas mal à tous les points de vue sauf le refrain qui est resté pas mal intact mais qui est mieux équilibré maintenant. Je n’étais pas content du texte. J’avais essayé quelque chose de très joual , je trouvais ça rigolo mais, avec du recul, j’ai réalisé que la rythmique était un peu floue et que ça manquait de découpage et de précision pour rendre ça vraiment dansant. Quand j’ai fait l’album , j’ai eu l’idée de la refaire. Je trouvais qu’elle méritait ça pis j’avais l’opportunité de la faire, ce qu’on a pas toujours. J’ai recommencé le texte, j’ai affiné la rythmique. J’ai aussi remixé la chanteuse qui chante le refrain. Ça a donné une version définitive que j’aime jouer en concert et qui est le fun à chanter.
Après vingt ans de carrière, est-ce que la recherche de nouveau son est le fruit du hasard ou le processus est devenu encore plus difficile ?
Ça vient avec des idées et des outils. C’est important d’avoir des outils. J’ai fait installer des sons par mon ami qui s’occupe de mon ordinateur. J’ai acheté une nouvelle guitare. Faut renouveler son stock une fois de temps en temps ; ça donne des nouvelles idées, des nouvelles perspectives. Le fait d’avoir une nouvelle guitare, ben ça donne envie de jouer plus dessus pis ça fait faire des choses qu’on n’aurait peut-être pas fait sur une guitare sur laquelle on est habitué. Ça a donné De l’aube à la nuit ,chanson qui sort un peu du son habituel que je peux avoir. Un son qui est correct car ça part de ma signature, mais c’est bien aussi d’élargir et de se surprendre encore-là. La chanson est partie d’un truc que j’avais dans ma tête en me levant un matin. J’avais la rythmique dans la tête, après ça les accords, après ça la toune s’est faite très rapidement contrairement à d’autres. Il y a plein de façons, faut juste se permettre, on a le droit de faire ce qu’on veut quand on compose des chansons. Ça mène à un album sur lequel on a rassemblé toutes les idées des dernières années de façon cohérente.
Dans ton processus d’écriture, comment arrives-tu à sortir de ta zone de confort ?
Par quelques exercices de styles. Par exemple, comme la chanson Comme d’habitude, une chose que je fais rarement mais que j’ai fait un peu, c’est de raconter une histoire. Je raconte rarement des histoires dans mes chansons, c’est plus une suite d’images, des jeux de mots et des allitérations alors Comme d’habitude, c’est une chanson avec des allures country. J’avais le goût de vraiment raconter une histoire. Il y en a d’autres qui sont des réflexions misent bout à bout, des questions que je pose qui restent toujours sans réponse. C’est instinctif, je me demande pas comment je pourrais surprendre ou comment je pourrais sortir de ma zone de confort. Ce sont des réflexes qui viennent tout seul.
Tu reprends en français Bye Bye Bye de Plants&Animals. Pourquoi voulais-tu la reprendre en français ?
J’aurai aimé faire une chanson dans ce style-là, mais je n’en écris pas des mélodies comme ça, ça ne me vient pas, mais ça ne m’empêche pas d’aimer ce type de chanson qui est vraiment touchante et entrainante, et qui me transporte. Ça m’est venu tout bonnement de la faire en français. Au début, je voulais la traduire et j’ai frappé le mur vite, ça ne se traduisait pas , je ne voyais pas vraiment où je pouvais rendre ça intéressant au niveau du choix des mots et du son. Donc, j’ai entrepris une autre histoire. Après ça, j’ai envoyé ça au groupe parce que c’était une adaptation et que j’ai changé les paroles. Ça me prenait une autorisation du groupe et de l’éditeur, ce que j’ai eu très rapidement.
J’aime ça reprendre les chansons des autres et faire de quoi de neuf avec. J’ai fait ça sur tous mes disques sauf le premier. Je trouve toujours des chansons à reprendre. Soit je me dis que je peux faire mieux qu’une reprise avec l’original, soit je peux complètement surprendre peu importe si c’est meilleur ou pas. Le but n’est pas d’être meilleur que l’original, mais d’être différent. C’est plaisant de chanter les mélodies des autres quand on se les approprie. Les faire telles quelles, je trouve ça un peu inutile, ça ne sert pas à grand chose , ça ne surprend personne, comme une reprise d’Alain Bashung qui s’appelle Madame Rêve. J’écoutais toutes les reprises qui ont été faites de cette chanson-là, mais elles sont toutes pas mal dans la veine de l’originale et je me suis dit que ce n’était pas intéressant. Ma version, je ne peux pas dire qu’elle est meilleure que celle de Bashung parce que celle de Bashung est magistrale, mais elle a le mérite d’aller complètement ailleurs.
Sur ton album tu collabores avec ta blonde, Sonia Cordeau , qui est artiste aussi. Pourquoi voulais-tu avoir un projet créatif avec elle ?
C’est facile, on est dans la même maison! Elle chante très bien et elle écrit de sacrées bonnes chansons. Elle a vraiment un instinct mélodique. Puis, je me suis dit que c’est beau de travailler avec sa blonde quand ça donne de beaux résultats.
Crédits Photos : Stéphanie Payez, Éklectik Média