L’expression avoir le vent dans les voiles est bien faible pour décrire l’ascension d’Émile Bilodeau. Sacré révélation de l’année au dernier gala de l’ADISQ, l’artiste a connu un été chargé en étant de tous les festivals du Québec et de plusieurs célébrations entourant la Fête nationale. Cet élan s’est poursuivi, hier, à l’International de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu où il a assuré avec brio la première partie de Patrice Michaud.
Son concert de 60 minutes n’avait toutefois pas les allures d’un premier acte standard mettant en vedette un artiste qu’on se plait à découvrir. Un impressionnant bassin d’adeptes venu s’abreuver de sa douce folie l’attendait de pied ferme devant la scène Loto-Québec, prêt à chanter sans la moindre hésitation les pièces de son premier album intitulé Rites de passage. L’énergie de la foule accotait parfaitement celle joliment hors de contrôle de l’auteur-compositeur-interprète qui dansait, courait et sautillait sur les planches avec une aisance désarmante.
Dégageant un magnétisme délicieusement inexplicable, le jeune homme de 22 ans s’est habilement servi des thématiques de ses chansons pour tisser des liens avec le public. Le contact s’établissait donc facilement, même si quelques tranches de vie et réflexions spontanées ne semblaient pas interpeller l’audience majoritairement composée de milléniaux. Émile ne s’en faisait pas trop, et c’est exactement ce qui faisait son charme. Il se confiait et n’avait pas peur d’essayer des blagues sortant de l’ordinaire comme prétendre que sa blonde est dans la section VIP et lui décrier tout son amour. Chose certaine, les mimiques qui accompagnaient ses paroles ont constamment frappé la cible.
La pleine conscience et la franche lucidité qu’Émile Bilodeau projette dans ses textes alors qu’il en est à ses premières armes dans le milieu artistique épatent. Le public n’a d’ailleurs pas manqué de crier ses compositions avec enthousiasme. En utilisant un vocabulaire moderne, frais et parsemé de métaphores à la fois recherchées et proches du quotidien, le chanteur démontre qu’il comprend la gravité des enjeux sociaux actuels et la dure réalité de l’industrie. Par exemple, dans Crise existentielle et Rosie, Émile admet sans censure ses angoisses à l’idée que sa carrière risque d’être un feu de paille qui peut avoir raison de sa relation avec la femme de sa vie et qu’il n’aura peut-être pas le choix de changer de profession. Je suis un fou, sur laquelle les festivaliers ont hurlé à la lune tels des petits loups, traite de la difficulté de se sentir accepté et aimé lorsqu’on se fout des conventions. America traite de la sale Amérique de Donald ‘Duck’ Trump qui croule dangereusement sous les fusils distribués à quiconque capable de respirer. Passer à TV, comme son titre l’indique, tente de comprendre pourquoi ce médium renvoie irrémédiablement à une forme de réussite, peu importe la moralité de son contenu.
Évidemment, même si la plupart des titres livrés ont suscité un fort intérêt, certains se sont démarqués. On a qu’à penser à Tu me dirais-tu qui a ouvert le spectacle en force, à la mélancolique Dehors, à la jubilatoire J’en ai plein mon cass, à la poignante Ça va qui décrit avec des images poétiquement frappantes l’étape d’acceptation du deuil ou encore au solo musical puissant et varié caractérisant la splendide Amour de félin.
En plus de ces pièces désormais cultes, Émile a présenté les nouveautés Moona qui explore la complexité des rapports amoureux terrestres sous forme de complaintes lancées à la lune ainsi que Socrate c’est Platon qui, quant à elle, explique que l’habileté de penser et l’intelligence d’une personne ne se définissent pas à partir de concepts philosophiques préétablis et désuets. Ces deux nouvelles chansons ont également étalé une belle évolution sur le plan mélodique. Ça promet pour l’extrêmement attendu second opus qui sera enregistré à partir de janvier prochain.
Crédits Photos : Stéphanie Payez/Éklectik Média