Flashwood: un portrait morne mais magnifique de la banlieue par Jean-Carl Boucher

Aujourd’hui sort à l’affiche le tout premier film de Jean-Carl Boucher : Flashwood. L’acteur, qui s’est fait connaître dans la série Tactik et grâce à son incarnation de Ricardo Trogi dans les films 1981,1987 et 1991, nous raconte une histoire qui traite de la jeunesse en banlieue et des enjeux que cela implique. Le sujet choisi et l’angle pour le traiter sont fort pertinents. Malheureusement, le scénario comporte certains défauts en ce qui concerne le développement de l’intrigue et les personnages. On peut quand même dire que, pour un premier film, le jeune réalisateur s’en est bien sorti.

Quand jeunesse et banlieue font deux

L’histoire nous plonge dans le quotidien d’une bande de jeunes vivant en banlieue de Montréal. On suit ces personnages et leur entourage dans leur quotidien sur une période de sept ans. L’intrigue gravite principalement autour  des personnages de Luc (Pier-Luc Funk) , son petit frère Hugo (Antoine Desrochers), Louis (Simon Pigeon) ainsi que Ti-Max (Maxime Desjardins-Tremblay). Luc est une personne sensible et empathique, contrairement à son frère désillusionné et avide de s’enrichir et fuir sa réalité qu’il trouve absolument insupportable. Louis, quant à lui, est un entrepreneur dans l’âme. Travaillant et ambitieux, il n’hésite pas à faire ce qu’il considère nécessaire afin de parvenir a ses fins. Finalement, Ti-Max, étant paraplégique, ne supporte pas de vivre au crochet de la société, étant à peu près incapable de faire quoi que ce soit lui-même.

Le film débute alors que nos protagonistes sont dans la fleur de l’adolescence jusqu’à l’âge adulte. Le récit traite d’enjeux comme la sexualité, l’ennui, la quête de soi et d’autres sujets que traverse la majorité des gens au cours de leur jeunesse. Dans l’ensemble, le ton du film, assez dur et aride, reproduit avec une précision touchante une réalité que vivent tellement de jeunes de nos jours. Perdus dans une société morne et peu inspirante, chacun va suivre sa voie dans le but de se sortir tant bien que mal de leur misère existentielle.

Un travail de caméra remarquable

L’aspect le plus réussi de Flashwood réside sur le plan technique. Les choix de découpage rendent bien l’ambiance que le réalisateur voulait apporter à son film. Par moment, on se croirait avec eux sous le soleil d’été en train de boire de la bière tiède dans une ruelle. La photographie a vraiment ce rendu organique qui donne à l’image un cachet remarquablement réaliste. Cela va de même pour le son. Le meilleur exemple serait la scène où Hugo se promène en voiture et qu’il écoute sa musique. On a l’impression de l’entendre comme si on était vraiment dans la voiture avec lui. Cette attention aux détails nous permet de mieux se connecter à ce qui se passe à l’écran.

Certaines scènes ont même été tournées dans un style légèrement amateur, avec un cadrage relativement éloigné qui nous donne la sensation d’être encore plus complice de la scène alors que le réflexe aurait été de resserrer le plan sur l’action. Jean-Carl Boucher nous montre donc, dans ce premier long-métrage, qu’il a déjà ce don qu’est de choisir de montrer les bonnes choses pour les bonnes raisons. Il est resté loin de l’erreur de faire des plans esthétiques qui n’apportent rien à l’oeuvre. Le film a vraiment été monté de façon réfléchie et très mature.

Une intrigue trouée

Alors que certains films ont tendance à prendre leur public pour des navets en décrivant et en justifiant chaque moment de l’intrigue, le film de Jean-Carl Boucher penche sur l’autre extrémité. En effet, l’intrigue est plus souvent qu’autrement floue et manque de développement. Dès le départ, on nous introduit plusieurs personnages en même temps. On se demande alors qui ils sont et on désire en apprendre plus. Jusque-là, tout va bien. Là où cela se complique, c’est dans l’enchaînement trop rapide des péripéties sans prendre le temps de bien installer ces personnages dans leur contexte. Il en résulte qu’on s’attache difficilement aux personnages. D’ailleurs, le texte nous laisse toujours dans un faux sentiment de suspens alors que les personnages discutent d’événements à venir ou passés, mais sans nommer ni décrire ces situations.

La narration se fait principalement dans le non-dit, ce qui peut-être pertinent, mais on ressent que dans Flashwood, cela a été traité plutôt maladroitement. Cela est très déplorable, car on a droit à une très bonne distribution. Les performances des acteurs, surtout celles de Simon Pigeon et Maxime Desjardins-Tremblay, viennent palier ce manque de développement scénaristique. La chimie des comédiens est aussi palpable, rendant les scènes plus dynamiques. Sur le fond, l’histoire est très intéressante, c’est vraiment le traitement qui fait défaut. La fin du film est aussi décevante alors qu’on a pas vraiment de dénouement comme tel. La conclusion est présente, mais il n’y a pas de finalité. On ne parle pas ici d’une scène dite ouverte où on laisse le public faire ses conclusions. Disons plutôt que la boucle n’a pas été bouclée. 

En guise de fin, bien que l’écriture soit discutable, l’histoire est, de façon générale, pertinente et le film est généralement très bien fait. Encore une fois il ne s’agit pas d’un film dont on va parler pendant les dix prochaines années, mais il est loin d’être vide et sans goût. Ce film est déconseillé aux jeunes enfants puisque les sujets ainsi que le langage des personnages sont souvent assez crus. Toutefois, beaucoup d’adolescents et de jeunes adultes risquent de se reconnaître dans ce film.