Fleuve au TNM : une création incontournable

Fleuve, c’est l’adaptation pour le théâtre par Sylvie Drapeau de ses quatre romans, Le Fleuve, Le Ciel, L’Enfer et La Terre,  tous inspirés de sa propre vie. Une vie qu’elle a vécue en partie sur les rivages du Saint-Laurent, sur la Côte Nord. Quatre étapes de sa vie. C’est cette création que nous avons eu le grand plaisir de voir, jeudi le 14 novembre, au Théâtre du Nouveau Monde.

Dans une mise en scène d’Angela Konrad, cette pièce met en vedette Sylvie Drapeau, dans le rôle de la femme. Karelle Tremblay, première présence sur une scène de théâtre, incarne la jeune femme. La petite est interprétée en alternance par Alice Bouchard et Marion Vigneault. Nous pouvons y voir également Samuël Côté (le père), Patricia Houle (la mère), Théo Macameau (enfant), Jeanne Madore (enfant), Alex-Aimée Martel (enfant) Elle-Séane Martel (enfant), Rosalie Payotte (enfant) et Edward Sheridan Moras (enfant), tous des rôles muets.

Aucun dialogue, seulement des monologues, du récit ou de la narration. Donc, aucun repère pour aucune de ces actrices, un jeu sans filet, rendant leur prestation encore plus exceptionnelle. Je pense en particuilier aux deux petites, Alice et Marion (le 14, c’était Marion). Arriver à jouer ce rôle dans ces conditions relève du défi, et le défi a été relevé avec brio ; elles n’ont tout de même que 11 et 12 ans. Un grand coup de chapeau à ces quatre actrices pour leur performance. J’ai toujours voué un grand respect aux acteurs et actrices qui pouvaient arriver à monologuer sur une scène, sans aucun droit à l’erreur.

Cette comédienne raconte sa vie à différentes époques. Après un court préambule de la femme, la petite apparaît à l’âge de cinq ans pour raconter un drame qu’elle vient de vivre. L’impact que cet accident a sur elle, sur sa famille, appelée la meute à cause du nombre d’enfants. Et tout cela en parlant de notre beau fleuve Saint-Laurent qu’on ne peut pas ne pas aimer. Les descriptions qui y sont faites sont époustouflantes. On voit que Sylvie Drapeau l’aime son fleuve. Dans ce tableau appelé bien évidemment Le Fleuve, par moment, c’est la femme qui vient faire un bout de narration avec sa version des faits, relevant ainsi la petite, mais je le répète, jamais de dialogue. On voit que la perception d’un adulte versus celle d’un enfant est bien différente. Parfois, c’est la meute qui vient nous distraire.

Nous voilà arrivés au deuxième tableau, intitulé Le Ciel, une quinzaine d’années plus tard. Nous faisons la connaissance du père et de la mère alors que la jeune femme parle de sa vie de jeune fille, sa première nuit d’amour, son séjour à Paris , sa dernière désobéissance, la dépression qui l’envahit. Elle se console et téléphone à sa mère et nous avons droit pour une fois à un dialogue… de sourds, pour finalement lui demander sa recette de sauce à spaghetti. Ce monologue décrit un peu, entre autre, ce que beaucoup de mères et filles vivent à une certaine époque, ce sentiment d’amour-haine. Et puis, la jeune femme revient au pays.

Commence alors L’Enfer. Sa mère n’est plus. Elle se revoit plus petite pour quelques minutes. Puis survient un autre drame à travers lequel elle réussit à passer. Elle se dirige vers une carrière au théâtre. Après un soir de représentation, la femme s’effondre d’épuisement, et le même soir, sa soeur Suzanne est tombée elle aussi, mais contrairement à Sylvie, elle ne s’est pas relevée. Un autre drame encore mais elle se reprend en main et ainsi commence La Reconstruction.

Des textes magnifiquements écrits et aussi magnifiquement bien joués. Ces actrices au talent indiscutable iront sûrement très loin, je parle surtout de Karelle Tremblay, Alice Bouchard et Marion Vigneault. Quant à Sylvie Drapeau, nous savons tous qu’elle n’a plus rien à prouver. Les décors minimalistes mais tellement représentatifs des textes ont été réalisés par Les Productions Yves Nicol alors que les costumes ont été dessinés par Pierre-Guy Lapointe.

Fleuve demeurent à l’affiche du Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 7 décembre. Des billets sont encore disponibles Ici.

Crédit Photos : Yves Renaud