Forfait tout inclus : des vacances aigres-douces

Après avoir offert l’an passé Pain Blanc de Mélanie Maynard et Jonathan Racine,  une superbe pièce dramatique qui avait la ferme intention de pimenter le théâtre d’été, le Théâtre des Hirondelles et Trilogie Média retournent à la traditionnelle comédie de situation avec Forfait tout inclus, coup de soleil en sus. Le Théâtre des Hirondelles refait, par la même occasion, confiance au metteur en scène et auteur Francis Vachon qui, en 2016 et pour le même théâtre, a signé le succès populaire et critique Hors la loi. Cette année, le public est donc invité à prendre part à une histoire légère et prévisible qui divertit malgré tout grâce à la complicité et l’expertise des comédiens.

Comme son titre l’indique, la pièce se déroule dans un pays chaud. René et Sophie (Pierre-Alexandre Fortin et Anne Casabonne), un couple en grandes difficultés qui cumule les mensonges, problèmes financiers et adultères, remportent un voyage tout inclus au Crazy Coconut pour une semaine. Là-bas, ils tenteront de sauver leur ménage sous les bons- et mauvais- conseils du charmant gentil organisateur Javier (Rodley Pitt) et d’un couple de touristes québécois très accaparant formé de Jocelyne et Michel (Sylvie Potvin et Denis Houle).

À l’instar de Pain Blanc, Forfait tout inclus mise sur un décor en partie numérique afin de donner un second souffle aux installations en carton qui peuvent aisément paraître fades. L’initiative s’avère réussie. Les spectateurs ont même droit à des bracelets qui changent de couleurs lors des chorégraphies et transitions entre les scènes. Il ne s’agit pas de l’incroyable expérience sensorielle promise lors des publicités d’avant spectacle, mais le tout permet aux spectateurs de plonger vigoureusement dans une ambiance festive.

Dans l’optique de ratisser large, le texte de Francis Vachon est truffé de jeux de mots à l’efficacité inégale. Le revirement d’une blague se laisse souvent deviner avant qu’elle ne soit prononcée, et cela fait rouler des yeux à plusieurs reprises. En revanche, certaines répliques poussent à l’admiration et aux rires francs.

Oui, le théâtre d’été tel qu’on le connait suscite une atmosphère sans prétention qui mène facilement à des clichés grossiers, mais des pièces comme Pain Blanc , justement, démontre qu’on peut oser tout en s’assurant d’être en présence d’une comédie estivale théâtrale satisfaisante. Le premier acte de Forfait tout inclus se perd dans les séquences burlesques comme celle, désolante, qui se produit dans l’avion (le branle-bas de combat pour les bagages et changements de place) qu’on pouvait pertinemment se douter de la présence avant même d’assister à la représentation. Le couple envahissant, la belle blonde malheureuse qui se noie dans l’alcool, les lapsus qu’entraîne l’apprentissage d’une nouvelle langue… Tout cela s’enchaîne plutôt mollement et avec un bon nombre de temps morts. Heureusement, la seconde partie nous emmène d’ailleurs. Certes, l’intrigue devient invraisemblable, mais elle a le mérite de surprendre et de sortir quelque peu des sentiers battus. Les échanges entre les personnages s’avèrent même plus mordants et mémorables pour les bonnes raisons.

La pièce traite de sujets délicats comme la routine d’un couple voué à l’échec, les problèmes de jeu et la phobie des germes, mais la psychologie unidimensionnelle des personnages empêche aux spectateurs de se sentir concernés ou touchés par ces thèmes. Puisqu’elle a à défendre des partitions dessinées à gros traits qui donnent peu de place aux nuances,  la distribution effectue un travail véritablement admirable. Les acteurs ne manquent pas de vivacité. En plus d’avoir tous l’occasion de briller, ils possèdent une chimie adorable et sincère. Denis Houle s’en donne à cœur joie dans l’improvisation et l’autodérision, ce qui déride autant le public que ses partenaires de jeu qui gardent tout de même le contrôle de la situation. Rodley Pitt, qu’on découvre de plus en plus avec bonheur depuis son apparition dans la série Hubert&Fanny, fait sourire avec ses yeux exorbitants et son accent assumé. Sylvie Potvin incarne avec justesse la naïveté démesurée mais attachante de sa Jocelyne. Anne Casabonne prouve, encore une fois, qu’elle peut interpréter avec talent des rôles de femmes excédées et colériques. De son côté, Pierre-Alexandre Fortin joue avec conviction le gars dans le déni et dépassé par les événements.

Présentée au Théâtre des Hirondelles jusqu’au 25 août, Forfait tout inclus, coup de soleil en sus remplit honorablement sa mission de faire passer un moment agréable en pleine période de canicule, et ce malgré quelques facilités au niveau des blagues et de la composition des personnages.

Crédits Photos : Savitri Bastiani