#Francos2019 : Un Pierre Lapointe magistral à la Maison Symphonique!

Une salle comble de spectateurs emballés attendait Pierre Lapointe et l’OSM à la Maison Symphonique de la Place des Arts, dans le cadre des FrancoFolies de Montréal, jeudi et vendredi soir derniers, pour les deux représentations mettant fin, nostalgiquement, à la tournée de l’album La science du cœur.

De dignes applaudissements retentirent dès l’entrée de l’artiste sur scène, accompagné, pour l’occasion, du Maestro David Russell Martin, introduit par Pierre Lapointe comme « un personnage très important, très imposant de par sa stature et son intelligence suprême » et de son pianiste, Philippe Chiu, qu’il présenta comme celui qui ne l’a pas lâché d’une semelle pendant toute la durée de la tournée de l’album. Nous ayant habitués par le passé à un style vestimentaire éclaté et flamboyant, Lapointe était plutôt élégamment paré, jeudi soir, vêtu d’un costard bleu marine dont le pantalon était griffé d’une bande de tissus jaune à rendre jaloux l’été, d’un col roulé et d’espadrilles blanches : il avait l’étoffe, tant vestimentaire qu’énergétiquement parlant, d’un maître de cérémonie. Nous pûmes comprendre assez rapidement la sobriété de l’habit, quelques instants plus tard, lorsque le chanteur initia la soirée de son introduction distinguée. D’une humilité touchante, il lança à son public : « J’ai pleuré, c’est la première fois que je termine une tournée que je pleure, j’étais triste ça a été un très très beau moment et donc, ce soir et demain, pour moi, c’est quand même un moment… particulier », avant de nous remercier de le partager avec lui. Un éloge à sa fidèle assistance, telle un accord parfait de sentiments, instar d’une douce communion. Un tonnerre se fit entendre dans la foule qui encourageait l’auteur-compositeur-interprète, puis, le calme s’empara de la salle entière pour laisser toute la place à la splendeur du piano et des cordes pour Qu’il est honteux d’être humain et Un cœur. Enchaîna ensuite Nu devant moi, plus déchirante et solennelle que jamais, avec le sentiment de deuil, doublé par la fin de ce si beau chapitre.

Crédit Photo : ©Stephane Couturier | Éklectik média

La pièce Les sentiments humains nous subjugua par sa finale notable d’intensité rythmique et la courte, mais efficace Les lignes de ma main nous entraîna par ses cordes dont la mélodie cinématographique nous fit tourbillonner dans le doux et mystérieux univers du chanteur. L’attendue Je déteste ma vie suivit dans son sublime manteau mélancolique, laissant le piano témoigner pour toute la profondeur des mots qui la composent et la montée finale, toute en percussions fit surgir aussi bien les frissons qui nous traversaient le corps, que les acclamations avant même que l’ultime note ne résonne! Tout sourire, Pierre interagit enfin de nouveau avec ses chers spectateurs par un coquet « C’est beau, hein ? » décrochant une vague de rires rejoignant le balcon. Lorsque le public revint à lui, Lapointe prit le temps de remercier David-François Moreau, créateur des arrangements musicaux de l’album, de la tournée et des concerts des Francos 2019, mentionnant ainsi que ce projet était leur coup de cœur, LEUR projet à eux. Lapointe nous injecta par la suite une dose d’hilarité en échappant son tabouret, puis en se rendant compte qu’il s’était fourvoyé en présentant une chanson qui ne devait pas venir tout de suite… Un petit bijou, une simplicité, une intimité qui nous semble souvent inaccessible avec le personnage ; comme si la nostalgie avait laissé aller les barrières en nous donnant accès à l’âme magnifique qu’il a — un aller simple dans son monde le temps d’une soirée — comme s’il nous donnait le droit de capter un brin de son ingénuité. Se reprenant en riant et en admettant sa bévue devant les spectateurs qui s’esclaffaient, il annonça la « vraie prochaine chanson », Le retour d’un amour, expliquant, tout en bouffonnant, sa raison d’être : une erreur de parcours, un mauvais contexte de vie (timing), la mauvaise personne au mauvais moment, ou juste la mauvaise personne, résultant une relation plus ou moins saine, voire toxique… Rigolant : « C’qui me réconcilie un peu avec cette histoire-là, c’est que ça donné une super belle chanson […] du coup, j’fais des droits d’auteurs [dessus] ». Une performance émouvante jusqu’à son terme par le mélodieux xylophone.

Crédit Photo : ©Stephane Couturier | Éklectik média

Pierre Lapointe revint en conversation en introduisant, cette fois, la bonne, Une lettre, dont les paroles, de son cru, voguent sur un air harmonieusement ingénieux signé Daniel Bélanger. Racontant l’histoire de leur amitié, il confessa que jamais il ne l’aurait crue possible, car il voyait ce dernier comme un intouchable de la chanson. Une collaboration incroyable et, avec l’Orchestre Symphonique pour le seconder, la pièce est d’autant plus marquante. Tout à coup, à brûle-pourpoint, Lapointe nous secoua, après ce moment d’émotions profondes, en revenant avec un avertissement humoristique, en guise de présentation des deux prochaines chansons : L’étrange route des amoureux et Mon prince charmant sous de petits pas de danse tout à fait adorables. À la blague — mais pas tant que ça — il nous mit en garde de ne pas partir « un party collectif » en tapant des mains, car, enchaîna-t-il, « C’est pas la Compagnie Créole », faisant ricaner de nouveau l’auditoire. « Ce sont des chansons joyeuses, oui, par rapport à ce que je fais normalement… Mais si on les place dans le palmarès des chansons joyeuses de la planète, c’est pas mal le bas de la liste ». À l’écoute de cette réplique désopilante, le public ria de plus belle!

Crédit Photo : ©Stephane Couturier | Éklectik média

Le reste du concert entremêla chansons tirées de Paris tristesse et de La science du cœur, telles que Sais-tu vraiment qui tu es?, dont le bouquet de percussions impressionna rudement, Tous les visages, Nos joies répétitives, pour finir avec La science du cœur — la renversante — mettant à l’avant-plan chacun des instruments à cordes, plus majestueux les uns que les autres. S’en suivirent plusieurs minutes d’applaudissements et une ovation chaleureuse témoignant de tout l’amour qu’on voue au talent indéniable de Lapointe. Les virtuoses de l’OSM, debout, fiers (et avec raison), se rassirent à mesure que les cris et les « Bravo! », nombreux, s’évanouissaient. Pierre remonta sur scène afin de remercier l’OSM, son équipe précieuse, l’organisation des FrancoFolies, fidèle à tous les ans, puis nous fit cadeau d’un rappel. La première pièce du rappel, l’abécédaire de Pierre Lapointe, celui qui, même si nous n’en comprenons pas grand chose, nous enlève à tous coups par son rythme, Alphabet, précéda Pointant le nord, l’une de ses premières compositions, qu’il ne renie pas (heureusement, pour notre grand plaisir!) malgré l’évolution de son style d’écriture.

En bref, une soirée qui devint mythique à la seconde où elle se termina ; parsemée de petites erreurs mignonnes et cocasses, rajoutant à l’admiration pour le chanteur. Un concert magistral où les interventions avec le public ne furent pas nombreuses, mais justes et appréciables et durant lequel la voix de Lapointe fut la priorité : privilégié-e-s êtes-vous si vous avez eu la chance d’y assister! Quant à toi, Pierre, on se recroise lors de tes futures tournées, qui, sans l’ombre d’un doute, nous toucherons encore droit au cœur!