Dans les années 1950, la communauté noire était persécutée un peu partout dans le monde, plus précisément aux États-Unis. Il y avait présence de ségrégation, d’esclavagisme et, bien évidemment, de racisme. Or, plusieurs acteurs importants dans la lutte des droits et libertés ont fait avancer la condition des Afro-Américains tels que Martin Luther King ou encore Rosa Parks. Une plus méconnue mais tout aussi importante qui s’est battue pour les droits civiques est Lorraine Hansberry. Toute sa vie, elle s’est battue pour la justice sociale. Écrivaine et dramaturge, elle a décidé de passer son message à travers des pièces de théâtre. Sa première pièce et également sa pièce la plus connues est A Raisin in the Sun adaptée par le Théâtre Jean-Duceppe sous le nom d’Héritage.
L’histoire est assez simple. On suit la vie quotidienne d’une famille afro-américaine qui vit ensemble dans un quartier modique. La pièce prend place dans les années 1950. Les possibilités d’emploi offertes aux personnes de couleur était assez limitées. Walter Lee Younger (Frédéric Pierre) travaille donc comme chauffeur de limousine pour un riche blanc. Quant aux femmes de la maison, Ruth Younger (Myriam De Verger) et Lena Younger (Mireille Métellus) sont employées comme bonnes pour des familles blanches. Beneatha Younger (Tracy Marcelin), la jeune soeur de Walter Lee, rêve de devenir médecin. Elle s’efforce d’étudier à l’université pour pratiquer son métier de rêve. La famille Younger attend avec impatience un chèque de 10 000,00$. Cet argent risque de changer énormément leur vie. Chacun a des plans pour l’utiliser à bon-ou à moins bon-escient. Beneatha veut l’utiliser pour payer une partie de ses études, Lena veut acheter une belle maison pour que toute la famille y demeure et Walter Lee veut investir dans un commerce d’alcool. Chaque personnage a un rêve. Mais à quel prix?
La pièce met en contraste plusieurs valeurs comme l’argent, la liberté et la famille. Plusieurs fois, les personnages sont confrontés à faire des choix qui les déchirent. Les personnages sont extrêmement bien développés. George Murchison, interprété par Patrick Émmanuel Abellard, et Joseph Asagal, joué par Lyndz Dantiste sont les deux amis de cœur de Beneatha. Les deux hommes apportent une vision différente du monde. George est issu d’une famille assez fortunée. Il aime bien paraître et ne pense qu’à se fondre dans la société. Patrick Émmanuel Abellard a démontré son talent dans ce personnage. Joseph Asagal, quant à lui, est un grand idéaliste. Venu de l’Afrique, il a un ardent désir de faire valoir ses droits et d’ouvrir les yeux des Afro-Américains sur leur réelle origine. Lyndz avait une diction parfaite. Ses répliques étaient dites avec confiance. Tristan D. Lalla, bien qu’il ne fait qu’une petite apparition dans son rôle de Bobo, était excellent en ami désemparé.
Éric Paulhus, quant à lui, jouait le rôle de Karl Linder, le représentant du quartier dans lequel la famille Younger désire aménager. Il vient leur faire un discours sur le fait qu’ils doivent absolument rester dans leur lugubre appartement puisqu’ils ne sont pas les bienvenus dans le quartier. Éric Paulhus joue avec constance son rôle de blanc arrogant, fendant et méchant. On prend plaisir à le détester. Le petit Travis Younger, le fils de Walter et Ruth, est joué par Malik Gervais-Aubourg. Malgré son jeune âge, le garçon est très bon. Il a une bonne présence sur scène.
Myriam De Verger joue la bonne mère de famille. Elle veut le bien de tout le monde, surtout celui de son mari. Elle tente d’aider la famille du mieux qu’elle peut. Myriam était émouvante dans les moments plus dramatiques. Elle jouait avec aplomb. Ses mouvements, ses gestes et son débit étaient tous coordonnés. Mireille Métellus, la mama de la famille, représentait les valeurs plus anciennes. Elle faisait tout pour sa famille malgré son vieil âge. Elle tentait du mieux qu’elle pouvait de partager l’argent équitablement pour les besoins de sa famille. La performance de l’actrice était formidable. À la fois hilarante et touchante, Mireille a fait une bonne première présence chez Duceppe. Un personnage important dans l’histoire est notamment Walter Lee Younger. Frédéric Pierre, l’interprète de ce personnage, a exposé toute son expérience dans ce protagoniste. Il avait un énorme défi à relever étant donné l’omniprésence de Walter Lee dans la pièce. Ce fut relevé avec succès.
Un énorme coup de coeur pour Tracy Marcelin. La jeune femme jouait Beneatha Younger, la défenderesse des droits civiques de la liberté. Elle interprète un personnage avant-gardiste et progressiste. Ne pensant pas comme sa famille, elle n’avait que le désir d’aider les autres. Tracy Marcelin était drôle, attendrissante et adorable. Pour une première présence chez Duceppe, elle a joué avec le plus grand talent. Jason Selman mettait de l’ambiance avec sa musique de trompette. Il nous transportait directement dans les années 1950 avec des airs de musique jazz. Il ne faut évidemment pas oublier Mike Payette, le metteur en scène. Ce dernier a adapté la pièce avec succès. Il nous a directement amené à Chicago en une fraction de seconde. Le décor était bien construit et très représentatif de l’époque.
La pièce Héritage est à voir sans aucune hésitation. Elle sensibilise, touche, fait rire, mais, avant tout, elle fait réfléchir.
Crédits Photos : Caroline Laberge