« Humans » de Circa : un poignant corps à cœur !

Un spectacle touchant l’essence même de l’humain.

La compagnie de cirque chouchoute des montréalais, Circa, revient avec sa nouvelle création, et fait sensation dès la première représentation. Annoncé avant même l’été, les australiens de la compagnie Circa étaient très attendus sur la scène de la Tohu. Durant leur première, qui a eu lieu le 5 novembre dernier, la salle est quasi complète ; les professionnels et passionnés du cirque se sont donnés rendez-vous.

Pendant que le public s’installe, les artistes font des passages et viennent se préparer sur scène. Ils se dépouillent de leurs oripeaux, mettent leurs vêtements à terre et retrouvent l’essence de l’humanité pour nous parler de l’être humain. Les lumières se centrent sur la scène, et, sous un tas de vêtements, tel une cellule ou une vie embryonnaire, se meut un être. Il s’étire, s’allonge, se déplace ; il vient au monde. S’ensuit des êtres nouveaux qui expérimentent leurs corps et les possibilités de mouvement. Plusieurs membres, mais deux jambes ; et qu’est-ce de se tenir sur ces membres et de les utiliser ?

Le spectacle aborde la naissance/création de l’être humain, son évolution, et également ses relations avec autrui. De nombreux thèmes sont abordés dans différents tableaux. Des tableaux mêlant arts du cirque, danse et interprétation théâtrale. Point de scénographie, le travail est centré sur le corps, ses possibilités et ses limites. Des scènes en solo, duo, trio ou en chœur ; les artistes effectuent une impressionnante mise en scène réglée comme du papier à musique.

D’ailleurs, la musique joue un rôle important dans « Humans ». Elle est hétéroclite et de qualité. Du blues, du folk, du classique ou encore de la musique du monde avec des chants de rode de Capoeira, c’est un régal pour l’ouïe! Donnant des accents bien particuliers à chaque numéro, la musique du spectacle pourrait être considérée comme le 11ème membre de la troupe. Des circassiens, ils sont dix sur scène. Tous jeunes et talentueux. Polyvalents également ; les porteurs se juchent sur les épaules de ceux qu’ils envoyaient dans les airs quelques minutes plus tôt ; les femmes et les hommes à force égale.

Ils se jouent des hauteurs et s’amusent à se marcher sur la tête. Tels des enfants, ils explorent les univers des corps et de leurs relations. Leurs jeux du chat ou de saute-mouton sont bien différents de ceux des cours d’école. Leurs corps sont magnifiques. Chacun dans sa particularité. Leur tenue de scène étant de simples sous-vêtements couleur chair et quelques t-shirts noirs (donnant ainsi une vision plus proche d’un corps dans son simple appareil), on peut observer des corps sculptés par des années de travail.

Et toutes ces heures de répétition et de travail acharné prennent tout leur sens sur scène. Acrobates, trapézistes, cordistes, contorsionnistes ; ils révèlent des prouesses physiques qu’ils exécutent avec aisance et plaisir. Toujours à vouloir repousser plus loin les limites de la performance. Mais en restant cependant à l’écoute d’eux-mêmes. Lors d’un numéro, un des porteurs tentent de porter plus de cinq autres artistes en même temps. Ce soir-là, la réalisation de cette figure-prouesse fût difficile, et il ne tînt que quelques secondes. Il fût accueilli par un tonnerre d’applaudissements de la part du public.

Le public s’y retrouve dans cette création. Certains passages sont éprouvants. Testant les limites du corps humains, les artistes se jettent sur scène, font des pirouettes et atterrissent à plat ventre. La scène claque, le corps frappe ; et le public ressent une douleur intérieure. Mais cela n’est rien. Car l’on comprend le pourquoi du choix de ces figures ; et tout le reste du spectacle est tellement fluide et réalisé avec aisance qu’il semble presque normal que des êtres humains effectuent toutes ces prouesses.

 

Les membres de Circa sont jeunes et d’un très haut niveau. Il est intéressant d’observer les différences dans l’apprentissage des arts du cirque (les points d’équilibre et de souplesse diffèrent selon les endroits). Les différents numéros sont d’une grande beauté et, pourtant basés sur l’essence même de l’humain, totalement contemporain. Certains sont très drôles également (le public rira toujours d’un joli jeu de fesse). Le tableau commun aboutissant à une pyramide humaine après un crescendo festive et pleine d’énergie qui électrise la foule.

Le numéro de contorsion en duo avec une artiste-marionnette qui se laisse manipuler avec amour et tendresse par son partenaire est sublime! Doux, beau, avec une superbe technique, précis, agréable et poétique. Sa fin propose une réflexion sur la nature de cette « marionnette » : ne serait-elle pas le corps d’une personne décédée dont l’amoureux ou l’ami se refuse à quitter ? Traitant ainsi un point primordial de l’être humain : sa mortalité.

Fragilité et force, énergie et détente, souplesse et dynamisme ; il y a tout dans « Humans ». La nouvelle création de la troupe australienne Circa était très attendue au Québec. Un passage remarqué à Montréal durant la tournée de leur spectacle qui a déjà soulevé près de 90 000 spectateurs dans treize pays ! Le corps humain est une machine complexe et merveilleuse aux possibilités, bien souvent, trop peu exploitées. Mais il est une chose qu’un homme ne pourra jamais faire, c’est de lécher son propre coude.

Ne manquez pas « Humans », qui est présenté à la Tohu jusqu’au 10 novembre. Cliquez ici pour les détails!

 

Distribution :  

Caroline Baillon

Marty Evans

Piri Goodman

Keaton Hentoff-Killian

Cecilia Martin

Hamish McCourty

Daniel O’Brien

Kimberley O’Brien

Jarrod Takle

Sandy Tugwood