Janette Bertrand est enracinée dans la mémoire collective québécoise depuis cent ans. Femme de tête et de cœur, c’est un modèle intergénérationnel. Dans la pièce éponyme, Duceppe lui rend un vibrant hommage.
Sur scène, la Janette d’aujourd’hui se raconte à travers une série de tableaux où se mêlent souvenirs personnels et faits historiques. De son enfance malheureuse à sa carrière florissante, ces moments sont liés à la place des femmes dans la société. Janette participe pleinement à cette émancipation par le rejet du patriarcat et son inscription à l’Université.
S’en suivent ses débuts journalistiques, puis ses succès radiophoniques et télévisuels : Jean et Jeannette (1949), Toi et moi (1954-1960), Parler pour parler (1984-1994) ou encore L’Amour avec un grand A (1986-1996).

JANETTE AVEC UN GRAND J
De 1925 à 2025, Janette Bertrand a vu ET participé aux divers bouleversements du siècle. De la Grande Noirceur à la Révolution tranquille en passant par la tragédie de Polytechnique. Son expérience transcende les âges et l’érige en mémoire vivante.
Rébecca Déraspe a fait un travail d’orfèvre dans l’écriture de la pièce. Car exposer une vie si riche dans un spectacle de moins de deux heures est un défi ! Surtout sans tomber dans les pièges classiques de la biographie. Elle y est néanmoins parvenue dans un texte ciselé, tantôt drôle et émouvant… jamais ennuyant.
Quant à Jean-Simon Traversy, il tisse les maillons de la mise en scène comme de la dentelle. Le tout s’imbrique naturellement, avec fluidité, sans temps mort. La division en plusieurs services ajoute également une touche d’originalité. Avec en prime, quelques tables disséminées, cour et jardin, où quelques privilégiés mangent un vrai repas. Clin d’œil à des recettes des livres de Janette.

Janette est donc un spectacle foisonnant dans lequel le décor se parsème de subtils détails qui en renforcent la portée intimiste. Le choix de Guylaine Tremblay pour incarner le rôle-titre apparaît comme une évidence. Une grande comédienne prête ses traits à une autre grande dame dans une filiation artistique. Son interprétation est d’ailleurs d’une troublante ressemblance, autant dans sa gestuelle que dans son intonation. Elle nous donne parfois l’illusion de retrouver la centenaire sur scène.
Le reste de la distribution incarne plusieurs rôles, donnant lieu à des séquences autant émouvantes que cocasses. Normand Chouinard, Zoé Lajeunesse-Guy, François-Simon Poirier, Sébastien Rajotte, Phara Thibault et Cynthia Wu-Maheux (drôle en « crisse ») livrent une solide performance.

UNE CÉLÉBRATION POPULAIRE
Dans le cadre de cet anniversaire événement, Janette est un rendez-vous théâtral incontournable. La pièce célèbre une personnalité emblématique de notre paysage culturel. Et quand quelqu’un est désigné par son seul prénom, cela souligne toute l’affection qu’on lui porte. Depuis plus d’un siècle, Janette Bertrand appartient à notre patrimoine. Elle a influencé des générations de femmes pour les libérer et les valoriser.
Le spectacle retrace son parcours en prenant la mesure de son engagement. Janette a été une féministe avant l’heure, mais aussi un phare contre l’obscurantisme en osant briser certains tabous (inceste, violence conjugale, homosexualité, etc.). Son franc parler et son ouverture ont touché des millions de personnes, laissant une empreinte durable dans notre société. Voilà son leg inspirant, pour aujourd’hui comme pour demain.
Janette
jusqu’au 17 mai 2025 au théâtre Duceppe
Texte : Rébecca Déraspe
Mise en scène : Jean-Simon Traversy