Le père - TNM

Le père – Les ombres de l’Alzheimer

Le père poursuit la saison foisonnante du TNM avec un drame intimiste sur l’Alzheimer. Une pièce réaliste qui fait écho au quotidien des proches aidants. C’est aussi un miroir pour toute personne qui voit décliner un parent.

Emmanuel Reichenbach adapte la pièce à succès de Florian Zeller dans un huis clos familial construit comme une mosaïque. Les fragments de vie d’un père s’étiolent ainsi au fil de tableaux où sa mémoire défaille.

Sur scène, André est agacé que sa fille veuille lui imposer une aide-soignante pour s’occuper de lui. Il se sent encore autonome et n’a nul besoin d’assistance. Des signes attestent pourtant du contraire, les symptômes de sa démence étant de plus en plus visibles. Anne doit alors veiller sur André dont le déni grandi au rythme de ses troubles cognitifs.

Le père - TNM
© Yves Renaud

Un esprit chamboulé

Dans Le père, le public est placé au cœur des ravages de l’Alzheimer. Tout se passe à travers le regard du malade dont les repères sont peu à peu bouleversés. La succession de séquences, plus ou moins courtes, témoignent de cette réalité altérée. Quelques moments drôles sont heureusement de véritables bouffées d’oxygène dans cet étau qui se referme inexorablement.

L’instabilité du père prend une tournure inquiétante quand il mêle le temps et les visages. Le décor participe pleinement à cette confusion, car chaque détail change à tout moment. On pourrait même jouer au jeu des différences pour comparer un tableau à l’autre. Ce cosy appartement finit par devenir un lieu étrange, voire menaçant. Par sa mise en scène habile, Édith Patenaude épouse les contours de la maladie dégénérative où chacun se trouve en équilibre précaire au bord de l’abîme.

Le père - TNM
© Yves Renaud

Le père de nos vies

La pièce compte une solide distribution, à commencer par le duo père/fille. Marc Messier (André) est magistral dans son exploration de la sénilité. Il incarne avec finesse ce rôle complexe, car son père est tour à tour attachant, colérique, mais surtout vulnérable.

À ses côtés, Catherine Trudeau (Anne) déborde de bienveillance dans une interprétation forte et fragile. On se projette aisément dans son rôle de fille qui cherche à tout prix à protéger son père. Même dans ses silences, la sensibilité de la comédienne est tangible.

La pièce offre également des seconds rôles qui sont mimétiques de la dégénérescence. Adrien Bletton et Fayolle Jean Jr se partagent donc le personnage de Pierre, tandis que Noémie O’ Farrell joue une autre version d’Anne. Chacun contribue à renforcer les rouages de cet engrenage mental.

L’œuvre de Florian Zeller est une expérience théâtrale confrontante, car elle nous renvoie à la place des aînés dans notre société et, par extension, leur accompagnement vers la fin de leur vie. Se pose alors la question de notre propre soutien auprès de nos proches. Le père est en cela une pièce contemporaine intergénérationnelle.