L’Eifman Ballet de Saint-Pétersbourg: un Requiem à deux niveaux

Invité par les Grands Ballets Canadiens de Montréal, l’Eifman Ballet présentait hier soir la première d’une série de sept représentations à la Salle Wilfrid Pelletier de la Place des Arts.

Requiem se divise en deux parties. Le premier acte, principalement sur la musique de Dmitri Chostakovitch, est une illustration du texte de la poétesse Anna Akhmatova sur la douleur, l’angoisse et les épreuves qu’elle a vécues lors de l’emprisonnement de son fils et de son époux sous le régime stalinien. Le deuxième acte m’apparait comme une méditation sur les craintes éprouvées face à la mort et le triomphe sur celle-ci par la célébration de la vie. La musique de Mozart donne une ampleur quasi mystique à la performance des danseurs.

©Eifman Ballet de Saint-Pétersbourg

Dès le début du spectacle, le tableau évoquant les hommes et les femmes qui devant la prison attendent en ligne pour voir leurs proches est comme un coup de poing qui nous éveille et capte notre intérêt face au drame profondément humain qui se déroulera sous nos yeux pendant une trentaine de minutes. Cette marche marquée par la douleur interpelle. Dans mon esprit, je revois alors des drames plus récents, d’autres marches qui à travers le monde se déroulent encore à cause de régimes politiques totalitaires. L’évocation de l’exécution de masse à la fin du premier acte bouleverse, alors que les âmes quittent leur enveloppe corporelle pour aller vers ailleurs. La mère (Maria Abashova) marche sur le lieu d’exécution et cherche…le rideau tombe. Cette scène relève du génie. On ne s’y attend pas. L’émotion nous submerge.

Le deuxième acte sur la partition mozartienne est tout aussi intéressant, mais n’a pas à mon avis le même impact.  Ce n’est plus l’atmosphère qui se dégage de l’œuvre qui nous touche, mais davantage la performance technique des danseurs de la compagnie. Il y a quelque chose qui se brise dans le fil conducteur de cette soirée entre le premier et le deuxième acte. Nous passons de l’émotion à l’admiration, ce qui n’est pas quand même pas mauvais en soi.

Les solistes se révèlent de parfaits techniciens. Les ensembles sont solides et nous laissent une impression de puissance et de force. Cette compagnie est formée d’excellents danseurs. L’exécution de certains mouvements relève parfois de l’athlétisme. J’ai rarement vu une telle uniformité. L’ovation du public à la fin du spectacle était pleinement méritée.

La scénographie minimaliste laisse toute la place aux protagonistes de cette soirée. Il ne faut surtout pas passer sous silence les magnifiques éclairages de Boris Eifman.

L’Orchestre et les chœurs des Grands Ballets Canadiens exécutent le Requiem de Mozart avec beaucoup de conviction sous la baguette de Valery Platonov. Du côté des solistes, la basse, l’alto et la soprano sont bons. Le ténor par contre a éprouvé quelques difficultés, frôlant même la catastrophe dans certains passages lors de la première.

 


Image d’entête: ©Souheil Michael Khoury

Eifman Ballet de Saint-Pétersbourg
Invité par Les Grands Ballets Canadiens de Montréal
Direction artistique : Boris Eifman

Requiem
Musique :
Acte 1 : Dmitri Chostakovitch, Sergei Rachmaninov et autres
Acte 2 : Wolfgang Amadeus Mozart
Chorégraphie : Boris Eifman

Solistes de la première :
Maria Abashova, Oleg Markov, Dmitry Fischer, Lyubov Andreyeva, Oleg Chebykina, Daniel Rubin

Costumes: Olga Shaishmelashvili
Lumière: Boris Eifman

Orchestre et Chœur des Grands Ballets Canadiens : Valery Platonov
Chef du chœur : Jean-Sébastien Allaire
Solistes :
Andréanne Brisson-Paquin, soprano
Josée Lalonde, alto
Nils Brown, ténor
Normand Richard, basse

Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.
Reprises : 22, 23,24,25 février 2018 à 20h00 et 24, 25 février 2018 à 14h00