L’hallucinant voyage symphonique de Véronic DiCaire

L’immense talent d’interprète et d’imitatrice de Véronic DiCaire n’est plus un secret pour personne au Québec ni même internationalement. Sa capacité d’incarner avec brio des artistes d’ici et d’ailleurs tels que Céline Dion, Édith Piaf et Adele ne cesse d’étonner, que ce soit dans une salle mythique ou dans un contexte télévisé. Imaginez alors un spectacle exclusif avec l’Orchestre symphonique de Montréal à la Maison Symphonique! La série de trois concerts a débuté hier sous les chapeaux de roue devant un public déjà conquis.

Élégamment vêtue d’un pantalon palazzo blanc à la mode et d’un haut noir brillant, Véronic DiCaire  a démarré ce qu’elle appelle son  »concert intimiste unplugged avec 82 musiciens » avec les voix de Barbra Streisand ainsi que celle d’Annie Lennox pour la sublime Why. Une somptueuse entrée en matière qui a permis à la chanteuse de dégager une partie de sa nervosité. Question de revisiter à sa juste valeur son large répertoire de voix, elle a judicieusement adopté pour un concert de 90 minutes sans entracte parsemé d’extraits de chansons extrêmement connues. Marie-Élaine Thibert (Pour cet amour), Véronique Sanson (Amoureuse), Susan Boyle (I dreamed a dream) et compagnie se sont succédé dans une ambiance magique et touchante dans laquelle la maîtrise des musiciens et la puissance vocale de DiCaire s’échangeaient la balle dans un équilibre quasi-parfait.

Bien sûr, l’Ontarienne a été fidèle à elle-même en ponctuant la soirée d’humour. Adorable avec ses anecdotes savoureuses et sa gentille maladresse, elle a fait crouler le public de rire avec son imitation de Coeur de pirate. Comme des enfants , mise à part le refrain, a volontairement été chanté avec des paroles incompréhensibles pour accentuer la prononciation complexe de l’auteure-compositrice-interprète. Un moment follement divertissant! Même si certaines imitations donnaient envie de se fermer les yeux et prétendre être en présence de l’artiste parodiée tant elles frisaient la perfection, il fallait absolument garder l’œil ouvert car la gestuelle était tout aussi importante. Marie Carmen (Entre l’ombre et la lumière) et Mariah Carey (Emotions) en étaient de flamboyants exemples. Les numéros atteignaient davantage la cible grâce à des mouvements de bras exagérés et d’intenses expressions faciales.Malgré un indéniable don, quelques propositions impressionnaient moins instantanément, surtout que la chanteuse ne s’exprimait qu’avec les voix chantées de ses personnages. Certaines notes s’apparentaient donc moins à la voix des artistes. Néanmoins, un bon nombre d’entre elles s’avéraient tellement une copie conforme qu’elles procuraient d’emblée de grands frissons . La véracité de quelques sons suscitaient même de légères décharges électriques. On a qu’à penser au grognement de Christina Aguilera, à la retenue d’Isabelle Boulay, aux envolées lyriques de Lady Gaga , au vibrato de Lara Fabian ou encore au rauque si distinctif d’Adele.

La deuxième portion du spectacle s’est particulièrement démarquée car bien des pièces présentées ne cadraient pas systématiquement dans un univers classique, ce qui a donné lieu à de magnifiques et d’inoubliables surprises. Lors d’un original volet cinématographique, Skyfall, What a feeling (Flashdance), Depuis le premier jour tiré du film Séraphin : un homme et son péché et Il était une fois des gens heureux de Nicole Martin ont coexisté à merveille. D’ailleurs, l’imitation si juste de cette dernière a engendré les premiers applaudissements généreux de la soirée, et avec raison. Puisque l’imitation de cette chanteuse n’est pas extrêmement médiatisée, elle s’est révélée plus mémorable et frappante que les incontournables tours de chant de Céline Dion et Édith Piaf.

Comme elle aime s’amuser avec son métier et ne pas toujours se prendre au sérieux, Véronic DiCaire a présenté des modifications de textes populaires transposées à l’intérieur de mélodies reconnues. La chanteuse s’est inspiré de l’actualité pour se mettre dans la peau d’un transgenre au son de Femme avec toi  de Nicole Croisille qui est devenue Une femme…sans les noix! Incarnant Barbara, elle a gardé l’air d’Aigle Noir mais a plutôt raconté la destinée d’un canard qui aime beaucoup danser. Finalement, Isabelle Boulay est revenue pour raconter l’histoire grivoise de la Petite Grenouille au son du Saule. Les paroles crues ont autant fait sursauter que rire. Il faut dire qu’entendre des commentaires salaces dans une maison symphonique, c’est plutôt inusité. Ce volet aurait facilement pu verser dans le mauvais goût et l’irrespect, mais heureusement la ligne n’a pas été franchie. L’incursion dans l’univers sucré de vedettes internationales a frappé dans le mille. Single Ladies de Beyonce, entraînante chorégraphie en prime, Toxic de Britney Spears, Chandelier de Sia, Fucking Perfect de P!nk et Firework de Katy Perry ont soulevé les spectateurs, particulièrement le dernier morceau sur lequel bien des gens ont frappé dans les mains. C’était particulièrement intéressant d’entendre ces mélodies pop être revisitées à la sauce symphonique.

Finalement, le spectacle s’est terminé avec un medley de divas. DiCaire a alors sorti ses gros canons. Évidemment, Piaf et son dos courbé ont envoûté, mais pas autant que la saisissante Dalida. Plutôt que de conclure avec le prévisible duo Céline Dion/Ginette Reno qui s’époumonent sur Un peu plus haut, un peu plus loin, l’interprète a offert un vibrant hommage à Whitney Houston avec I will always love you. Elle a réussi sans peine toutes les notes hautes. Le début a capella faisait monter les larmes aux yeux. Parallèlement, le rappel n’a pas manqué d’émotions. C’est à ce moment que Ginette Reno est apparu pour Je ne suis qu’une chanson. Au-delà de la poignante ressemblance, ce numéro décrit brillamment Véronic DiCaire qui prouve depuis plusieurs années qu’elle est plus que les voix qu’elle embrasse, elle est une artiste à part entière qui carbure au plaisir et à l’authenticité.

Crédits Photos : OSM