Créée en 1879 à une époque où les femmes n’avaient pas la même considération qu’aujourd’hui, la pièce Une maison de poupées d’Henrick Ibsen s’inscrit dans la première vague du féminisme. Se voulant une critique des rôles traditionnels des hommes ainsi que des femmes, la pièce fit scandale lors de sa sortie au XIXe siècle. Ayant évoluée et changée (heureusement), la condition féminine reste encore aujourd’hui un sujet bien discuté.
C’est dans une salle où les spectateurs entourent la scène de chaque côté que l’adaptation réalisée par Rébecca Déraspe fut jouée. Une idée plutôt futée pour créer une impression de captivité des personnages qui se tenaient en plein centre de cette barricade humaine. Cinq hommes et femmes tous confrontés à plusieurs dilemmes concernant leur propre personne jouent du coude pour préserver ce qu’ils ont dans une société où le paraître et le capitalisme se côtoient de façon étroite. La pièce traite principalement de Nora, une femme au foyer qui vit grâce au salaire de son mari Torvald, anciennement avocat, maintenant directeur d’une banque. On apprend que Nora aurait emprunté une somme d’argent à un certain Nils, dans le passé, afin de voyager en Italie pour guérir son pauvre mari qui souffrait d’épuisement professionnel. Le seul hic dans ce geste rempli de bonne foi et de volonté est que Nora aurait falsifié le contrat officialisant l’entente. Rapidement, elle se verra confronté à son geste et tentera de réparer sa bêtise avec l’aide de son amie Kristine.
Marie-Pier Labrecque, l’interprète de Nora, joue avec un aplomb incroyable. Ses répliques sont dites avec ressenti et ses gestes sont planifiés. Le monologue qu’elle entame à la fin est vibrant d’émotions et résume, en quelques lignes, ce que la pièce essaie de démontrer. L’interaction entre les personnages est faite de façon fluide, on les voit connecter entre eux, ce qui nous fait ressentir les liens qui les unit. Torvald (Jean-René Moisan) est joué avec émotion, ce qui nous fait l’aimer ou le haïr. Aimant sa femme mais ne la considérant pas à sa juste valeur, il se veut dur avec elle lorsqu’il apprend la falsification que sa bien-aimée a fait. Que dire de Mathieu Lepage qui interprète Rank, le meilleur ami du couple?! Il se veut drôle et ses répliques, bien qu’assez courtes, sont puissantes et font réfléchir. Représentant une figure plus calme, il apporte un peu de sagesse et de réflexion aux autres personnages tous axés sur leur propre problème.
Un côté intéressant de la pièce est notamment son aspect féministe. Démontré avec ironie, Une maison de poupées est parsemée de répliques et de gestes qui vont vers ce mouvement égalitaire. Le personnage de Kristine (Kim Despatis), joué avec douceur et force, est principalement un élément représentatif du mouvement. Veuve, la femme se voit obligée de subvenir seule à ses besoins. Elle tente de transmettre cette façon de penser à son amie, Nora, pour la pousser à comprendre qu’elle n’est pas seulement la femme de Torvald mais qu’elle est aussi Nora, UNE femme. C’est en grande partie à cause de Nils (Simon-Pierre Lambert) si la vie parfaite du couple Nora-Torvald se voit gâcher. Nils est l’homme qui a prêté la somme d’argent à Nora. Au début, on le croit méchant et dur, mais c’est au fil que la pièce avance qu’on constate que c’est un homme blessé. Simon-Pierre Lambert incarne ce personnage à la perfection. Il sait le rendre arrogant voire détestable, mais il sait aussi le rendre vulnérable.
La mise en scène de Benoit Rioux est sensationnelle. Les gestes des personnages sont calculés, leurs déplacements nécessaires et le jeu est réfléchi. Cette pièce fait mijoter l’esprit sur plusieurs enjeux actuels de notre société (qu’on peut considérer égocentrique) tout en ajoutant un brin d’humour. C’est sans aucun doute, qu’encore aujourd’hui, elle reste essentielle à voir.
Crédits Photos : Maxim Paré Fortin