Medhi Bousaidan

Mehdi Bousaidan : les dessous de son humour hybride

L’humoriste Mehdi Bousaidan n’est plus qu’à quelques heures de présenter officiellement son deuxième spectacle, Mouton. Un spectacle dans lequel l’humoriste se détache des effets visuels pour revenir à quelque chose de plus naturel et personnel. En entrevue, Mehdi Bousaidan nous partage le processus créatif de son spectacle, l’évolution de son écriture depuis Demain et les dessous de son humour hybride. 

Crédit photo : Joanie Raymond / Éklectik Média

La première médiatique de ton nouveau spectacle approche, comment te sens-tu ?

Bien, confiant, j’ai hâte. On l’a peut-être joué sept fois d, onc le show est rodé et prêt. Je peaufine toujours, je rajoute deux trois petits trucs à chaque spectacle, mais je pense que j’ai une version très optimale. Je pense que ça va être super drôle.

Ton nouveau spectacle s’intitule Mouton. Pourquoi ce titre ?

J’ai choisi Mouton parce que je trouve que ça reflète bien la société d’aujourd’hui. On est très mouton, c’est une expression qu’on utilise. Les gens ont souvent peur de s’exprimer et pas nécessairement sortir du lot parce qu’ils deviennent des proies faciles. C’est un spectacle où l’on pose beaucoup de questions sur des événements et sur des changements dans la société que, souvent, on ne veut pas aborder. C’est pour cela que je voulais l’appeler Mouton. Aussi parce que j’ai un numéro dans lequel je raconte une histoire d’amitié entre moi et un mouton!

As-tu l’impression qu’en humour, on doit suivre le troupeau pour faire sa place ?

Je pense qu’il y a des tendances dans l’humour. J’aime beaucoup l’humour d’actualité, qui traite des sujets du quotidien, donc je pense qu’en humour, on n’échappe pas au fait de suivre ce qui se passe. Il y a une fin, une ligne du temps. C’est sûr que, des fois, on va dire que les humoristes parlent des mêmes sujets parce qu’il y en a qui sont quand même intéressants à traiter. On les vit tous donc c’est normal de parler de certains sujets communs.

Dans ce sens-là, oui, on peut dire qu’on suit un peu le troupeau, mais je pense que ce qui fait qu’un humoriste se démarque, c’est le traitement qu’il en fait, les angles qu’il choisit. Je pense que c’est important, en tant qu’humoriste, de choisir des sujets qui touchent les gens et qui sont importants à traiter. En même temps, tu as toute la liberté de pouvoir t’exprimer différemment sur chaque sujet,  donc ça te fait sortir un peu du troupeau.

Dans ce spectacle, tu vas aborder entre autres l’écologie et la liberté d’expression. Comment tu définis les thèmes que tu veux aborder ?

Le but, c’est d’être un peu comme une éponge d’information. Tu lis beaucoup, tu t’informes et tu regardes un peu les sujets qui sont populaires. C’est facile avec les réseaux sociaux parce qu’on est bombardé d’informations, mais après tu filtres et tu choisis un peu les sujets qui sont intéressants et sur lesquels tu as des choses à dire, soit ton opinion peut être original sur le sujet. Je te dirai que tous les matins, je lis beaucoup les nouvelles,  puis j’écris beaucoup. J’appelle ça de l’écriture polaroïd. C’est-à-dire que dans ma journée, s’il y a des trucs que je trouve drôle ou des constatations, des concepts ou simplement des situations que je trouve drôle, je les note dans mon carnet et puis après, je retravaille les notes que j’ai écrites.

Depuis ton premier spectacle, comment décrirais-tu l’évolution de ton écriture ?

Dans mon premier spectacle, il y avait beaucoup d’écrans, il y avait vraiment un concept, une mise en scène qui était un peu fixée sur Netlfix. On donnait un peu l’impression que les gens étaient dans leur salon et regardaient un truc Netflix. Dans ce spectacle, mon écriture est plus Stand up donc il y a presque pas du tout d’effets visuels, c’est vraiment du stand up pur. Je trouve que c’est plus efficace, plus humoristique, plus drôle. Le dernier spectacle était sorti en 2018 donc ça fait déjà six ans, c’est plus peaufiné, plus travaillé comme humour. C’est plus mature.

Qu’est-ce que ça change dans ta performance d’avoir une mise en scène plus épurée ?

C’est plus authentique. Dans mon premier spectacle, je voulais montrer un peu tout ce que je sais faire et en allant en France, je suis tombée amoureux du Stand Up plus pur. Ça me permet de donner plus mon opinion plutôt que l’opinion générale donc c’est plus personnel, plus authentique et  plus direct aussi avec le public. J’ai l’impression que c’est une conversation que j’ai avec les gens dans la salle. Je fais beaucoup d’interactions avec le public, j’aime beaucoup ça.

Crédit photo : Joanie Raymond / Éklectik Média

Ta carrière décolle actuellement en France. Tu as d’ailleurs décidé d’écrire un nouveau pour ta tournée là-bas. Pourquoi te lancer dans l’écriture d’un nouveau spectacle plutôt que faire l’adaptation de Mouton ?

Je pense que les sujets sont plus durs exporter en humour. Je m’imprègne beaucoup de mon environnement. Au départ, ce n’était même pas voulu. Quand je suis allée à Paris, je voulais adapter des numéros que je fais au Québec, mais très rapidement , en me baladant dans la ville, en rencontrant des gens, en allant à des événements et en vivant un peu la vie parisienne, j’ai eu plein d’idées de numéros. J’ai commencé à en écrire un par semaine.

Là-bas, il y a beaucoup plus de spectacles, il y a beaucoup de soirées de rodage donc tu peux vraiment travailler des numéros et les roder quatre ou cinq fois par soir. J’ai voulu saisir cette opportunité d’avoir une éthique de travail plus nourri pour écrire plus. Je me suis retrouvé à écrire plus d’une heure de stock qui était plus proche de la réalité française que québécoise. Par contre, il y a des numéros qui marchent dans les deux. Il y a d’ailleurs un numéro que j’ai écrit en France qui marche super bien au Québec. 

Qu’est-ce que ton humour québécois t’apporte dans ton humour français et vice versa ?

Des fois, c’est juste au niveau du rythme. J’ai eu la chance de faire beaucoup de spectacles au Québec  où on faisait 15 minutes de rodage au Québec, ça te laisse plus de temps pour développer tes idées et aller plus en profondeur. En France, comme il y a beaucoup d’humoristes, souvent dans les soirées il y a 8 ou 10 humoristes par soir donc ils ont tendance à faire du 5-6 minutes, fait que ce sont des styles d’humour différents.

D’un côté, c’est plus long au dép poulinveloppement avec une espèce de ligne directrice dans un numéro alors que dans l’autre, c’est hyper punché, super rapide. C’est un punch au 5 secondes. J’essaie de faire un humour hybride entre les deux en amenant ce côté développement avec une construction plus complexe, mais en gardant ce système de punch très rapide au 5-10 secondes.

Crédit photo : Joanie Raymond / Éklectik Média

On vit actuellement dans une période où se faire accepter telle qu’on est est très important. Selon toi, pourquoi c’est encore pertinent de changer son humour pour conquérir un public ?

La qualité première d’un humoriste, c’est l’adaptation. Il y a des gens qui vont dire l’inverse et dire que les gens doivent s’adapter à l’humoriste, mais moi j’aime m’adapter. En gros, t’es peu le miroir de la société donc si tu arrives avec ta vision, tu rentres dans une autre société et que tu ne t’adaptes pas, on dirait que c’est moins efficace. Il faut que tu t’imprègnes de ton environnement pour faire rire les gens qui sont dans cet environnement-là. Après, c’est vraiment une adaptation et pas un changement parce que mon humour reste le même. C’est un peu comme si je changeais le crémage du gâteau, mais la pâte est la même. J’arrive avec la même personnalité, le même charisme que j’ai sur scène au Québec, mais là, j’essaie d’aller vers un style humoristique différent.

D’une région à l’autre, le public est différent. Combien de chance donnes-tu à une joke avant de l’enlever ?

D’habitude, je donne trois chances parce qu’il faut que tu la changes, C’est rare que je vais faire ma blague de la même façon. Si elle ne marche pas la première fois, je vais l’essayer dans un autre style de joke ou je vais changer l’angle. Je lui laisse trois chances que j’essaie différemment et si ça marche pssn, elle est out.

Medhi Bousaidan
Crédit photo : Joanie Raymond / Éklectik Média

Quelle place laisses-tu à la spontanéité et l’improvisation dans tes spectacles ?

J’essaie d’en laisser le plus possible. Si ce n’était que moi, je pourrais faire des shows complets improvisés. C’est la partie que j’aime le plus dans le spectacle, car justement ce sont des parties qui ne sont pas répétées et écrites, donc on se lance dans le vide et c’est souvent dans ces moments-là qu’on a de super bons rires. J’aime cette relation avec le public, ça fait des spectacles plus vivants et uniques aussi. Chaque soir est unique. Il peut se passer un truc à Sherbrooke qu’il n’y aura pas à Montréal ou à Québec et c’est le fun. Quand tu fais beaucoup de spectacle, c’est la partie qui est différente et je la chéri énormément.

Rendez-vous ce jeudi 8 février à l’Olympia de Montréal pour la première médiatique du nouveau spectacle de Mehdi Bousaidan. L’humoriste présentera également Mouton un peu partout au Québec et sera de retour les 11 et 12 avril prochains à la Cinquième Salle de la Place des Arts.