Les nouveautés DVD de la semaine

Variation d’un classique de Noël, une déchirante thérapie de conversion infligée à de jeunes homosexuels, un mariage en décrépitude causé par des aspirations professionnelles tissés de dénis…Les nouveautés DVD de cette semaine ratissent large et ne manquent pas d’ambition.

Casse-Noisette et les quatre royaumes (The nutcracker and the four realms)

En adaptant le conte du temps des Fêtes par excellence, Disney ne propose pas seulement une facture visuelle léchée digne de sa réputation et moyens ; le studio surpasse les attentes d’un public familial qui ne cherche pas le chef d’oeuvre à tout prix tout en conservant le classicisme du récit original.  Sans faille, la beauté des décors et des costumes se vit jusque dans les textures éclatantes et les couleurs apaisantes des paysages hivernaux. Elle transperce tous les plans et vole la vedette. Dommage que le tandem Lasse Hallström et Joe Johnston la filme de manière aussi statique et fade…

Pour emmener le ballet connu de tous sur une nouvelle voie, la scénariste Ashleigh Powell accentue la piste du deuil. Aigrie et renfermée, la brillante Clara (efficace Mackenzie Foy au parfaitement inoffensif visage de porcelaine) découvre un monde secret dans lequel sa mère, récemment décédée, régnait comme reine. S’ensuivent des intrigues immensément prévisibles qui ne comportent aucun élément de surprise. De manière générale, le film réussit à divertir la famille mais il manque d’humour naïf, d’intensité et d’originalité au niveau des morales surfaites. Dans le rôle Sugar Plum, Keira Knightley s’appuie un peu trop sur l’exagération que commande le personnage pour offrir des nuances agréables. De son côté, Helen Mirren fait sourire même si sa contribution est sous-utilisée.

Garçon effacé (Boy Erased)

Eh oui, ça a déjà existé! Pire encore, c’est encore en vigueur dans beaucoup trop de pays. Le deuxième film de l’acteur australien Joel Edgerton à titre de réalisateur s’inspire des mémoires de Garrard Conley pour conscientiser les générations d’hier et d’aujourd’hui sur la barbarie et l’illogisme complètement ridicule des thérapies de réorientation sexuelle qui considéraient l’homosexualité comme une maladie.

Dans Garçon effacé, Garrard se nomme Jared Eamons (Lucas Hedges, brillant de vérité comme à son habitude). Il se voit forcé d’intégrer une thérapie de conversion peu de temps après qu’il ait annoncé à ses parents, Nancy (Nicole Kidman) et le pasteur Marshall Eamons (Russell Crowe), qu’il est amoureusement et sexuellement attiré par les hommes. À travers l’exorcisation de  »démons » et de perfides manipulations, Victor Sykes (Edgerton), un  soi-disant spécialiste qualifié en la matière, dégage tant de méchanceté gratuite qu’on vient à se demander s’il ne refoule pas lui-même des pulsions homosexuelles. Les exercices de conversion dépeints (une jeune sœur en pleurs qui frappe son frère avec un libre pour libérer le pêché en lui, déverser sa colère sur une chaise représentant un papa homophobe) suscitent forcément la révolte et font grincer des dents à plusieurs reprises tant ils sont répugnants.

Par contre, le traitement cinématographique que leur réserve Edgerton manque d’intensité, de tensions dramatiques, de colère et d’émotions à fleur de peau. L’absence d’audace, les cassures de rythme et les retours en arrière peu constructifs installent rapidement une lassitude et une certaine déception chez le spectateur. Heureusement qu’il est aisé de s’attacher et de s’identifier à la douce complicité que partagent Jared et sa mère, jouée par une attendrissante et poignante Nicole Kidman qui capte à merveille la force de l’instinct maternel dans toute sa splendeur contradictoire. Les tensions entre un père déboussolé et un fils incompris prennent ici une tournure moins clichée en soulignant subtilement que la difficile acceptation d’une différence (qui n’en est point une), n’élimine pas automatiquement l’amour et la compréhension qu’un fils ressent envers son paternel.

Notons les performances honnêtes mais discrètes de nos Québécois Xavier Dolan et Théodore Pellerin. Soulignons également que le Manitoba, l’Ontario et la Nouvelle-Écosse ont banni ces ignobles thérapies, mais qu’elles sont encore tolérées au Québec. Réveillons-nous, de grâce!

The Wife

Le film de Björn Runge bénéficie, depuis les derniers mois, d’une renaissance grâce à l’intérêt académique entourant l’intelligente performance de la toujours extraordinaire Glenn Close. Ayant déjà récolté la plupart des récompenses possibles (Golden Globes, Critics Association Awards, SAG Awards et bien d’autres), celle qui est nommée aux Oscars pour une septième fois risque fort d’enfin en rafler un pour ce rôle d’épouse soumise qui n’en peut plus de tout refouler, y compris ses rêves et sa dignité.

Basé sur le best-seller du même nom de Meg Wolitzer, The Wife relate le voyage à Stockholm de Joan et Joseph Castleman (Close et Jonathan Pryce) alors que ce dernier s’apprête à y recevoir le Prix Nobel de littérature. Cet événement plongera Joan dans un torrent de remises en questions qui atteindra son paroxysme lorsque Nathanial Bone (Christian Slater), un biographe insistant, creusera un peu trop profondément dans son passé conjugal… Le rythme lent du récit donne toute l’occasion à Close de composer un mystérieux personnage tout en nuances. L’actrice d’expérience sait très bien doser l’émotion pour en extraire sa pure vérité. Sa manière de livrer ses intentions au compte-gouttes s’avère rien de moins qu’un cours de jeu, surtout qu’elle est appuyée par un Jonathan Pryce exécrable à souhait. Ensemble, ils explorent avec doigté les fascinants méandres du couple, thème maintes fois exploité au cinéma mais qui suscite encore d’intéressants questionnements.

Malheureusement, cette  intrigante joute psychologique empruntant au genre théâtral, malgré qu’elle comprenne des répliques savoureuses, dévoile  avec une subtilité complètement ratée son dénouement très tôt dans l’histoire, ce qui entache légèrement la portée des interprétations. Trop évidentes, les ficelles du scénario de Jane Anderson lassent rapidement. Heureusement que les 10 dernières minutes explosives emmènent son lot de réflexions complémentaires.

Enfin, dans son ensemble, The Wife va probablement rendre sceptiques ceux qui sont en faveur du sacre de Lady Gaga (sublime dans A Star is born) dans la catégorie de la meilleure actrice, mais  ils comprendront sans doute que cette comparaison forcée manque de justice compte tenu des univers complètement opposés définissant leur protagoniste respective. Ceci dit, les deux artistes, amies dans la vie, sont plus que méritoires.