« Ce soir, c’est le Superbowl du spleen! » Voilà comment l’animateur de la soirée, Christian Bégin, a décrit cette première version de la Nuit de la déprime qui a eu lieu hier soir au Théâtre St-Denis dans le cadre du Blue Monday, le troisième lundi du mois de janvier qui est, selon plusieurs scientifiques, le jour le plus déprimant de l’année. Le comédien ne pouvait mieux décrire cette soirée car, en effet, la crème des chanteurs , humoristes et tragédiens s’était donné rendez-vous.
Basée sur un concept français très populaire, cette purge collective pour embrasser la déprime s’est réalisé sous le signe de l’autodérision. Avec comme but premier de ramasser des fonds pour la Fondation Ronald Denis qui vient en aide aux personnes atteintes d’obésité morbide, cette soirée portait bien son nom car elle a duré près de 3h30. Certains passages auraient gagné à être raccourcis , mais, globalement, le spectacle s’est avéré fluide et diversifié.
Les classiques nostalgiques de la chanson francophones ont été mis à l’avant-plan. Certains choix ont été un peu trop prévisibles comme Isabelle Boulay qui interprète Le Saule, Marie-Thérèse Fortin Dis, quand reviendras-tu de Barbara et Michel Rivard qui ressort sa Complainte du phoque en Alaska, mais la qualité d’exécution, les réactions du public et l’ajout de numéros drôles exclusifs assuraient un mélange bien dosé et intriguant.
Les spectateurs ont embarqué sans peine dans la thématique, chantant les succès avec un abandon désarmant et découvrant des trésors cachés avec une attention tout aussi exemplaire. Même si elle comportait quelques longueurs, l’animation de Christian Bégin se démarquait. Présent tout au long sur scène, bien souvent accoudé sur le piano du directeur musical Antoine Gratton, le comédien jouait avec le public, commentant à chaud les numéros avec des rires approbateurs qui plongeaient la foule davantage dans cette belle folie.
Au chapitre des chansons, les numéros les plus marquants ont été offerts par Isabelle Boulay qui a profité de l’occasion pour chanter une chanson moins connue de son répertoire, Ne me dis pas qu’il faut sourire écrite par Benjamin Biolay. Sa performance tout en retenue a magnifiquement bercé la salle. France Castel, de son côté, l’a complètement soufflée avec son impressionnante énergie infatigable.
La femme de 75 ans, qui a connu son lot de déprime, a présenté Les adieux d’un sex symbole, choix délicieusement ironique quand on considère que France n’a jamais été aussi radieuse. Sa voix rauque et son dynamisme lui ont valu deux salutations debout fort méritées.
Ève Landry s’est attaqué à Chanson d’ami de Zazie, une talentueuse artiste française trop peu connue ici, qui traite d’un amour à sens unique. Sa fragilité a bouleversé. Magnifiquement accompagné de Mélissa Bédard et Guylaine Tanguay, Patrice Michaud a rendu hommage à la regrettée Roxette avec It must have been love. Cet exemple de partage devrait davantage être en vitrine s’il y a une deuxième édition.
Au niveau de l’humour, Élise Guilbault a étonné en lisant des lettres de rupture dévastatrices , certaines inspirées de ses propres expériences. Son sarcasme, spécialement lorsque que son ami Christian lui a chanté l’infâme Tu te laisses aller, était tout simplement savoureux et irrésistible.
Par contre, la palme revient à Alex Perron qui a causé des crampes dans les joues en parlant de son dégoût de ne pas aimer des choses déprimantes comme la cigarette et la longue et parfois vaine attente d’un orgasme au féminin. Ses observations mordantes et sa fausse jalousie a frappé la cible.
Crédits Photos : Stéphanie Payez, Éklectik Média