Pub Royal

Pub Royal : l’émotion et la douce folie des Cowboys Fringants respectées

En branle depuis plus de deux ans et demi, la comédie musicale Pub Royal inspirée du répertoire des Cowboys Fringants se déploie enfin au public, duquel plusieurs spectateurs ont déjà leur billet en main depuis plusieurs mois. Évidemment, cette rentrée montréalaise est tristement teintée du spectre du départ du chanteur Karl Tremblay, emporté par un virulent cancer de la prostate le 15 novembre dernier.

Lors de la première médiatique qui a eu lieu le 7 décembre au Théâtre Maisonneuve, la troupe circassienne Les 7 doigts de la main, en collaboration avec l’agence La Tribu, est parvenue à offrir une ode à la vie singulière, mémorable, émouvante et déroutante, bref complètement à l’image du quatuor québécois lui ayant servi de muse.

Crédit photo : Stéphanie Payez / Éklectik Média

Évidemment, l’atmosphère de la salle remplie à craquer de personnalités publiques et de fans irréductibles de la formation naviguait constamment entre nostalgie et excitation. Entre la joie de découvrir une œuvre originale attendue et la peine qui noue la gorge quand un souvenir personnel sur le groupe remonte à la surface en entendant une chanson ou une parole signature des Cowboys Fringants.

Comme son titre l’indique, Pub Royal se déroule dans un bar du même nom situé au milieu de nulle part. Le courtier d’assurances Jonathan Doyer (Richard Charest, habile pour incarner la confusion et la rage retenue de son personnage) est victime d’un mineur accident de voiture toit près. Il rentre au pub pour pouvoir contacter les secours.

Crédit photo : Stéphanie Payez / Éklectik Média

Le grand manitou de l’endroit, Siriso (énigmatique Kevin Houle) lui mettra les bâtons dans la roue en le tenant plutôt de succomber dans la décadence des acrobates, chanteurs et danseurs qui animent la place, tout en faisant connaissance avec de fidèles clients et le personnel, qui sont tirés de personnages contenus dans les pièces des Cowboys Fringants. L’œuvre réussit à plaire autant aux friands de comédies musicales qu’aux réfractaires, car elle s’amuse avec le genre. Elle surprend par une trame narrative qui côtoie habilement identité québécoise et surnaturelle.

Une aura de mystère quant à la véritable vocation du pub plane et maintient l’intérêt du public, qui ne sait délicieusement plus où donner de la tête, entre le splendide décor truffé de références au groupe, les acrobaties impressionnantes qui font battre le cœur plus fort, les chorégraphies de Geneviève Dorion-Coupal empreintes d’intensité et le dévouement royal des chanteurs, qui s’avèrent être de tout aussi convaincants comédiens.

Crédit photo : Stéphanie Payez / Éklectik Média

Les conséquences de la révélation clôturant le premier acte sont bien exploitées lors du second, qui passe à une vitesse folle. La sélection des chansons, qui comprend des trésors oubliés du groupe et des grands succès remaniés afin de correspondre à l’univers de l’œuvre, s’avère fort judicieuse et permet de passer du rire aux larmes en peu de temps.

À travers de cette fresque sociale aussi satirique que fantaisiste, il est question de technologie, des regrets face au temps qui passe et de démons intérieurs qu’il est préférable d’exorciser collectivement. En ce sens, l’identité artistique de l’auteur Jean-François Pauzé a parfaitement été cernée par le metteur en scène Sébastien Soldevilla et le dialoguiste Olivier Kemeid.

Crédit photo : Stéphanie Payez / Éklectik Média

Parmi les moments marquants de Pub Royal, impossible de placer sous silence la performance du danseur Sunny Boisvert qui ne fait qu’un avec la mélodie épique de Si la vie vous intéresse. Dans la peau de l’attachante Catherine (LA Catherine de la chanson La Catherine, qui est en tous points identique à ce qu’on peut s’imaginer en écoutant la chanson), Alexia Gourd fend le cœur lors de l’interprétation de la déchirante pièce Pub Royal, écrite par Karl Tremblay et qui figure sur l’album Octobre.

La dualité que se livrent fragilité et la ténacité du personnage transparaît dans chaque note de la chanteuse, qu’elle soit ancrée bien au sol, dans ses bottines ou dans les airs, pour une métaphore saisissante sur la libération des démons par des plaisirs artificiels.

Crédit photo : Stéphanie Payez / Éklectik Média

Finalement, Martin Giroux sidère dans le rôle du vieux rockeur Johnny Flash. Il ébranle lors de sa livraison de la chanson La fin du show, qui donne l’impression d’entendre Karl Tremblay nous livrer sans filtre ses dernières montagnes russes d’émotion vécues ici-bas et sa nouvelle vie dans l’au-delà libérée de souffrances. Un moment saisissant, percutant et marquant.

Pub Royal sera présenté au Théâtre Maisonneuve jusqu’au 7 janvier avant de prendre la route partout au Québec et en France. Tous les détails sur les prochaines dates et supplémentaires sont disponibles sur le site officiel de la comédie musicale.