Shooting the mafia à Fantasia : la photographe des carnages

Cet exceptionnel documentaire, coproduction de l’Irlande et des États-Unis signée Kim Longinotto, nous arrive à Fantasia. La cinéaste a pu puiser dans les archives de la télévision, dans certains classiques du cinéma italien et dans les nombreux documents de la très spéciale et hors norme photographe Letizia Battaglia. Cette dernière s’est éprise de la photographie sur le tard, ayant été mariée, mère de famille et subi la violence d’un mari qui voulait une femme soumise et à la maison. Cette Italie bien patriarcale n’est pas au goût de notre héroïne Letizia qui, armée de son appareil photo, capta les débuts de la mafia sanguinaire et surtout ses trop nombreuses victimes dont enfants et femmes.

Tant de fois éplorée aura t-elle voulu cesser de capter l’horreur des corps tombés sous les balles et la terreur, mais, dit t-elle, « la mafia tue et le silence aussi », la larme à l’œil et la voix brisée. C’est donc avec une force quasi inconcevable qu’elle a persisté malgré la peur et les nombreuses menaces qu’elle reçut, car oser photographier cette oppression constante des hommes baignant dans la criminalité demande un culot mais aussi beaucoup de ténacité et d’acharnement. On suit avec un intérêt croissant toute la colère de cette société qui ne compte plus ses morts, et aussi la révolte des juges qui décident d’appliquer la LOI au risque de leur propre vie ! Car cette « Cosa nostra » qui établit ses propres règles au détriment du respect de la vie humaine répugne profondément Letizia qui ne pourra cesser de montrer, avec ses sublimes photos d’un réalisme à couper le souffle, toute la bêtise que l’Homme peut accomplir, mais de quel droit ?

J’ai été conquise par le désir de justice et la profonde lucidité de cette femme. Selon elle, « la peur est un luxe qu’on ne peut pas s’offrir ».  Avec ses yeux vifs et tristes à la fois, elle continue à vivre, à se souvenir, mais aussi à savourer la vie. Ses cheveux roses fushia à la fin m’ont fait sourire ; elle est résolument comme elle le veut. Même si elle n’a pas plu bien souvent, elle demeure fidèle à ses convictions et, ça, selon moi, c’est grandiose. Un des meilleurs films que j’ai pu voir cette année, et qu’il m’enchanterait bien de revoir comme on rend visite à une vieille amie qu’on apprécie par-dessus tout ! Un joyau, rien de moins!