Sound of metal : apprivoiser le silence ★★★1/2

Après une apparition remarquée au Festival international de film de Toronto en 2019 où il a reçu le prix Golden Eye remis au meilleur film international, Sound of metal est enfin débarqué sur Amazon Prime (USA) et autres services canadiens de vidéo sur demande le 4 décembre dernier avec une rumeur plus que favorable pour la saison des remises de prix hollywoodiennes, relayée en février 2021 à cause de la situation actuelle.

Le buzz est amplement justifié, puisque ce premier film de Darius Marder marque plusieurs jours après le visionnement, spécialement grâce à son immersion sonore hallucinante et à sa capacité de nous faire rentrer dans la tête du personnage principal.

Ce protagoniste est Ruben (Riz Ahmed), un percussionniste talentueux qui mène une vie heureuse avec son amoureuse Lou (incandescente et magnétique Olivia Cooke) qui se trouve également à être la chanteuse de son duo heavy metal, Black Gammon. Tout bascule le jour où, à quelques heures d’un spectacle. Ruben n’entend que des sons étouffés. Le verdict tombe : toute sa vie, peu importe les chirurgies, il n’entendra qu’à 25% de sa capacité. Évidemment, le jeune homme, luttant déjà pour demeurer sobre, accepte terriblement mal cette surdité inattendue qui le pousse à replonger dans ses comportements autodestructeurs. La découverte d’un groupe de soutien et d’une école pour enfants sourds viendra heureusement atténuer ses questionnements.

Sur papier, l’histoire semble assez banale, mais le traitement narratif accordé ne l’est absolument pas. Le tandem Darius Marder et Derek Cianfrance, à qui l’on doit l’acclamé The place beyond the pines (2012) a pondu des répliques mordantes et criantes de réalisme qui permettent de s’ancrer rapidement et de manière crédible dans l’univers proposé. Les scénaristes sont parvenus à ce que chaque seconde du film soit une expérience troublante et mémorable encore plus vraie qu’un documentaire.

Cette sensation est due aux fabuleux contrastes entre le silence et le son qui forme un harmonie saisissante. À travers un travail sonore exemplaire, le cinéphile expérimente l’évolution de l’état des oreilles du Ruben. Le début s’amorce dans le chaos lors d’un concert d’heavy metal où l’unique source de lumière éclaire un Ruben appliqué et heureux d’exercer sa passion accompagné de sa douce en transe au micro. La scène suivante se déroule dans un calme invitant.

Puis, les bruits inhabituels et étranges. Les voix étouffées comme des échos. Si bien exécutés qu’on se demande si on n’est pas en train de les vivre réellement. Et c’est exactement cette impression qui nous permet de véritablement comprendre la réalité de cette condition qui n’a jamais semblé aussi périlleuse…et lumineuse. Oui, il y a de la beauté dans cet univers singulier. Sound of metal nous la montre sans artifice.

Le cheminement de Ruben, du déni à la résignation, est captivant, surtout lorsqu’il est remis à sa place à cause de son comportement immature. Cette partie est toutefois parsemée de longueurs, mais elle réserve tout de même de beaux moment d’humanité comme cette séquence dans laquelle Ruben enseigne le drum à des enfants. Ruben s’accroche à la musique comme une bouée, mais une bouée l’empêche également d’avancer…Ce constat est déchirant et très bien illustré.

D’autant plus que la performance de Riz Ahmed s’avère épatante. Il fait preuve d’un naturel désarmant. Son investissement dans le rôle est renversant. Ses expressions faciales déconcertées empreintes de rage difficilement contrôlée nous donnent réellement l’impression qu’on apprivoise le silence en même temps que lui. Et qu’il est possible qu’un changement de vie imprévu peut apporter une vie meilleure, même si ça semble terrible de penser ainsi. La relation complexe mais sincère entre Ruben et Lou est jouée avec la finesse et l’intensité demandées.

Pour être bouleversé de la plus humaine des manières, vous pouvez visionner Sound of metal en français et en anglais sur diverses plateformes dont le cinéma en ligne du Cinéma du Parc.