Stephan Eicher

Stephan Eicher : les dessous d’une Ode poétique

Après trois ans de travail, l’auteur compositeur et interprète Stephan Eicher dévoile un tout nouvel opus intitulé Ode qui est déjà sur toutes les plateformes de téléchargement depuis le 28 octobre. Ode est arrivé en plusieurs couches poétiques puisque 2 EP de quatre chansons ont été dévoilés au cours de l’année pour finalement donner fruit à un album complet de 12 titres.

©Annik Wetter

Ode à la création

Pendant le confinement, l’artiste s’est plongé dans une bulle dans laquelle il voulait créer quatre chansons au piano. C’est d’ailleurs comme cela qu’est né le premier EP Autour de ton cou. Pour son deuxième EP, Stephan Eicher admet qu’il avait envie de faire plus de bruit et de taire un peu ce silence incessant de la pandémie en mettant l’accent sur la batterie et les emplis de guitare.

Avant de se diriger vers un album, l’artiste voulait au départ sortir un troisième EP qui refléterait une autre facette de lui. «Le matin quand je me réveille, je crois que je suis un chanteur de soul et je me prends bien entendu pour un chanteur de soul parce que je ne suis pas un chanteur de soul, mais mon idée c’était de transporter la musique comme les chanteurs et chanteuses de soul me transporte.» C’est donc au grès des saisons, dans une ambiance pandémique à faire taire que l’artiste a décidé de créer du nouveau matériel parcourant à la fois la joie et la mélancolie.

Quand on soulève le pourquoi d’un album au lieu d’un troisième EP, Stephan Eicher répond avec beaucoup de franchise et en riant : «Il faut que je paie mes dettes.» Il ajoute : «avec le stream, vous n’allez pas payer vos cordes de guitare, ça prend aussi la vente physique.» Pour l’artiste, le streaming, même lorsqu’on fait 1 million d’écoutes, ça ne permet pas de payer grand monde, et il souhaite pouvoir payer ses musiciens et techniciens comme il pense qu’ils méritent d’être payés. Il aime encore aussi rassembler les gens autour de quelque chose que l’on peut toucher. En dehors de l’aspect économique, Stephan Eicher admet qu’il y a un côté libérateur dans le streaming et qu’il préfère ça. «D’avoir une idée et de la sortir demain, moi ça m’excite.»

© Annik Wetter

La pandémie et le processus créatif

La pandémie a été une période étrange pour l’artiste d’un point de vue créatif. «Elle était fascinante parce qu’au début on croyait qu’on allait arranger des dossiers et finir du travail, mais j’ai remarqué que personne n’arrivait à être vraiment dans un processus créatif. Je crois en la découverte, mais sans un possible public, les choses ne font pas de sens. Je crois qu’on peut écrire un livre sans penser à un public. On peut s’asseoir, écrire son roman et mettre dans un tiroir l’idée et 20 ans plus tard le sortir, mais ça ne marche pas avec une chanson. Une chanson a besoin des oreilles, d’un cœur qui bat, des yeux qui pleurent et d’un visage qui sourit. Quand on a remarqué qu’on ne pouvait pas toucher le public, c’était moins pertinent de créer, en tout cas c’est comme ça que je l’ai vécu.»

Dans ses chansons, Stephan Eicher aborde de nombreux thèmes dont l’amour, le doute ou encore le deuil, mais il y a encore un thème qu’il aimerait explorer davantage et pour lequel il n’a pas encore trouvé les mots.  «Je ne suis pas quelqu’un de très physique, mais le fait d’être interdit de voir mes parents pendant la pandémie et de les prendre dans les bras, ça m’a fait réaliser que ça m’a vraiment manqué de prendre les gens dans les bras, de sentir une chaleur, un cœur qui bat. Je rêve un jour de faire une chanson qui soit comme un hug, une chanson qui vous prend dans les bras.»

L’amour des langues et des mots

Le répertoire de Stephan Eicher est riche grâce aux thèmes qu’il aborde et à son univers musical qui chevauche de nombreux genres, mais aussi par la multitude de langues dans lesquelles il exprime son chant depuis toujours. Le français, l’anglais et l’alémanique (suisse-allemand) sont des langues qui lui permettent d’explorer son essence musicale et chacune d’elle le transporte dans un processus créatif totalement différent.

«Si j’étais un peintre, l’anglais serait comme une peinture à l’huile que l’on peut peindre assez vite, le français c’est peindre avec de l’aquarelle parce que les sonorités sont plus difficiles à mettre avec une musique un peu plus rock. Le français nécessite plus de lumière musicalement que l’anglais qui est très clair. Pour le suisse, ce serait plus prendre un crayon sur un bout de serviette où l’on reprend une tâche de café avec lequel on dessine un petit animal, c’est beaucoup plus artisanal. Dans chaque toile, les dimensions sont différentes et changer de langage me donne plus de couleurs, je dirai.»

Stephan Eicher
© Annik Wetter

Dans son répertoire, la majorité des chansons en français sont écrites par le parolier Philippe Dijan. Une collaboration qui a traversé les époques et dont le balbutiement a commencé sur un malentendu. En effet, Stephan Eicher nous explique qu’il travaillait sur un projet pour lequel il avait besoin de son aide. Il lui a partagé les maquettes du disque qu’il travaillait et Philippe a mal compris sa demande et lui est revenu avec une dizaine de textes en français. «Le fait qu’on se soit mal compris est devenu notre plus joli cadeau. C’est comme si Stephan Dijan écrivait avec Philippe Eicher, c’est comme un frère.»

Philippe Dijan est l’auteur de nombreux succès de Stéphan Eicher dont la célèbre Déjeuner en paix. Pour l’artiste, c’est difficile de savoir ce qui fait une bonne chanson, car ce ne sont pas les artistes qui choisissent les succès. «On trouve un thème, une harmonie, des mélodies et les gens se projettent dedans. Déjeuner en paix permet de se projeter dans cet appartement, sur cette table de cuisine et je crois que ça a touché beaucoup de gens au même moment. Après, il y a des chansons que je trouve qui pourraient être de grands succès, mais il n’y a pas de place pour se projeter dedans. Sur mon album Homeless Songs, j’ai une chanson qui s’appelle Prisonnière. Quand je l’ai enregistrée, j’ai cru que c’était le plus grand tube jamais écrit, mais non. Dans Ode, la chanson Autour de ton cou, je suis touchée par la musique et les paroles que j’ai cru qui pourraient être énormes, mais non, les gens n’ont pas eu le même sentiment. Ça arrive, ce n’est pas grave.»

 

Le radeau des inutiles

Pour ce disque, Stephan Eicher a construit un spectacle particulier. En effet, ayant enregistré cet album en pleine pandémie, les spectacles qu’il a pu donner ont été faits de manière distancée avec des masques, ce qui lui a donné l’idée d’offrir un spectacle plus théâtral intitulé Le radeau des inutiles. Le spectacle est donc monté avec l’idée d’un personnage qui serait sur un radeau la nuit en pleine tempête. La forme du spectacle a pris de l’ampleur au fil des changements des règles sanitaires. Stephan Eicher admet que des chansons ont d’ailleurs été créés pour le spectacle et qu’il est en train de le réinventer pour la tournée. Un processus qu’il trouve complexe parce qu’il souhaite faire un spectacle qui entre dans le domaine du théâtre et de la magie.

En attendant de pouvoir découvrir Stephan Eicher en spectacle au Québec, son tout nouvel album Ode est disponible sur toutes les plateformes de téléchargement. L’album physique sera disponible en magasin dès le 11 novembre.