Three billboards outside Ebbing, Missouri : La comédie noire de 2017

Titre probablement le moins viril de l’histoire des suspenses policiers, Three billboards outside Ebbing, Missouri renouvelle le genre avec un torrent de sacres et de répliques vulgaires. Eh oui, c’est possible! Martin McDonagh, réalisateur et scénariste de Seven Psychopaths et In Bruges, revient bien en forme avec une oeuvre singulière qui séduit par sa désinvolture. Les producteurs de comédies américaines à gros budget, qui cumulent les échecs retentissants par les temps qui courent, devraient prendre des notes…

Le film parvient en effet à provoquer de nombreux éclats de rire (certains jaunes) en mettant le focus sur une histoire tragique. Depuis plus de sept mois, Mildred Haynes (Frances McDormand) pleure sa fille Angela (Kathryn Newton), sauvagement violée et assassinée. Éreintée par le laxisme des policiers, elle condamne directement le Chef Willoughby (Woody Harrelson) sur trois panneaux bordant une route quasi-abandonnée de Ebbing en Missouri. Puisqu’elle réussit à intéresser les médias à l’affaire, Mildred doit subir les foudres du public, de l’officier niais et alcoolique Dixon (Sam Rockwell) et de son propre fils (Lucas Hedges) et ancien mari (John Hawkes). Mais tout ça en vaut la peine si justice est enfin rendue, non?

Three billboards outside Ebbing, Missouri s’éloigne des chasses à l’homme et récits de vengeance typiques. L’objectif du film ne réside pas tant dans la découverte du coupable mais sur les répercussions d’une si horrible situation sur une ville rurale isolée et désillusionnée. La galerie de personnages étalés ne semble pas trop se plaire au Missouri. Les habitants tentent de survivre quotidiennement à grands coups de sarcasme et de gestes désespérés. Et c’est justement les protagonistes, plus précisément leurs sorts et valeurs saugrenus, qui font du film une agréable surprise, et non l’enquête. On en ressort plus grandi, touché et satisfait que de voir le coupable derrière les barreaux.

Pour réussir ce tour de force, McDonagh a finement construit un scénario qui carbure à un saisissant mélange réaliste d’émotions et d’humour noir. Sans aucun doute le film le plus drôle de 2017, surtout car il n’avait pas la pression et la prétention d’aspirer à ce titre, Three billboards outside Ebbing, Missouri regorge de dialogues savoureux qui étonnent par leur naturel et simplicité. Les intrigues secondaires, dont celle entourant la vie personnelle du Chef Willoughby, s’imbriquent sans la moindre anicroche et regorgent de pertinence. 

Le scénariste et réalisateur ne pouvait rêver d’une meilleure distribution. Sam Rockwell et Frances McDormand sont en très bonne position pour récolter une réplique d’un certain homme doré du nom d’Oscar, et ils la mériteraient amplement. Toujours extraordinaire qu’importe l’oeuvre, l’actrice déjà oscarisée parvient à illustrer toute la vulnérabilité et la souffrance avec un sourire mélancolique ou des yeux humides qui trahissent la façade impénétrable de Mildred. De son côté, Rockwell s’approprie avec intelligence le rôle du fils à maman détestable. Il lui insuffle une émouvante fragilité déstabilisante, tout ça en esquivant les débordements. Qui plus est, même si les personnages cachent leur affection, la complicité entre les comédiens est palpable et irrésistible.

Three Billboards outside Ebbing, Missouri est présentement à l’affiche à Montréal dans sa version originale anglaise de même qu’en français. 

Crédits Photos : Fox Searchlight Pictures

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