La seule réserve que l’on peut émettre sur le spectacle que Daniel Bélanger a offert hier soir à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts est que le haut volume des instruments empêchait parfois de comprendre aisément les magnifiques textes de l’auteur-compositeur-interprète. Maintenant que cela est énoncé, place aux éloges amplement mérités!
De toute façon, les cris, les sifflements et les multiples ovations debout prodigués tout au long du concert ont prouvé que les légers désagréments techniques n’ont point entravé le plaisir de la salle presque comble. En guise d’amorce, une courte vidéo mettant en scène l’acteur Bruno Marcil qui devait à la fois sourire et se concentrer sur une partie spécifique de son visage afin de plonger dans un état de béatitude. Cette sympathique introduction a brillamment illustré la ligne directrice de cette prestation intitulée Paloma : la quête tumultueuse du bonheur.
©Victor Diaz Lamich / FrancoFolies 2017
Daniel Bélanger transmet ses messages par sa musique. Il laisse ses créations parler, ses interventions se limitant strictement à remercier la foule, taquiner gentiment ses musiciens et blaguer sur la longueur de ses chansons. Jamais il n’a fait d’anecdotes sur la vie de tournée ou sur la création de ses albums. Sa vision de l’amour, du conformisme social et de la complexité des rapports humains trouve écho dans la combinaison exquise d’arrangements sonores et d’une poésie émancipée. Il n’a pas trahi sa nature pour se fondre dans le moule préétabli de ce qui constitue une proximité en règle entre l’artiste et ses admirateurs. Il a simplement communiqué à sa manière. Cela a pu décevoir certains mais a délecté les autres qui ont tapé des mains et des pieds sur pas moins de 20 pièces puisées judicieusement dans un vaste répertoire.
Avec l’aide du guitariste Guillaume Doiron, du bassiste Jean-François Lemieux, du percussionniste Alex Mc Mahon et du multi-instrumentiste Alain Quirion, le populaire chanteur a allongé la plupart des titres présentés, provoquant une enfilade de jouissances auditives. L’envie de se lever et de se déhancher tenaillait les festivaliers à chaque solo. Pour compenser, ces derniers chantaient sans gêne et applaudissaient à tout rompre. Autant dans ses mots que dans ses mélodies, Daniel Bélanger s’avère être un genre unique en soi. Absolument tout dans son univers ne s’imite pas. Son registre vocal, qui allie sans effort tons graves et exclamations haut perchées, parvient à se tisser un chemin dans nos cœurs pour éclore les émotions profondément enfouies dans une zone sensible qu’on ignore volontairement trop souvent. Agrémentant ici et là ses œuvres d’onomatopées et de petits cris aigus bien sentis, il a semblé s’amuser vivement sur scène.
©Victor Diaz Lamich / FrancoFolies 2017
Daniel Bélanger peut se vanter d’être l’un des rares artistes québécois à jouer en rotation dans les stations de radio commerciales avec la plupart de ses disques (le total est maintenant de 10). L’opus qui lui a valu le plus de reconnaissance, autant sur le plan critique que public, est sans contredit Rêver Mieux, paru en 2001.Voilà pourquoi autant de pièces de cette ère se retrouve dans la liste de chansons produites en spectacle. Cela pourrait paraître redondant, mais Bélanger réussit à pimenter ses classiques pour que le public les scande avec joie. Chante encore, Fous n’importe où, Dans un spoutnik et Te Quitter ont séduit l’audience. Les diverses projections de dessins et de couleurs chaudes ont conféré à ces morceaux une chaleur à la fois dynamique et apaisante. La pièce Rêver Mieux a été chantée en alternance avec son auteur et les spectateurs tandis que Intouchable et Immortel, une ode à la liberté en vélo de plus de 7 minutes, a eu droit -avec raison- à son propre standing.
Sur scène, les chansons issues de Paloma ont conservé leurs invitantes textures. Tout viendra s’effacer, le nouvel extrait radiophonique de l’album, a ouvert avec aplomb la soirée. Les paroles des excellentes Il y a tant à faire, Le Fil et Ère de glace résument avec une justesse désarmante le cynisme que génère notre monde actuel en cruel besoin de cures de bon sens. Parlant de transformations, la délicieusement rock Métamorphose ,sur laquelle le chanteur répète qu’il cherche la paix et la sérénité, a été fort appréciée. La chanson titre Paloma, qui a été livrée lors des fameux rappels, démontre à merveille la dualité que ressent l’artiste à être en même temps marginal et comme les autres, dualité à laquelle bien des humains peuvent s’identifier.
©Victor Diaz Lamich / FrancoFolies 2017
Celui qui se produira de nouveau à Montréal le 21 octobre 2017 au Métropolis n’a pas oublié ses fans de la première heure. Les intemporelles Sortez-moi de moi, Les temps fous (tristement à propos par les temps qui courent), Le Parapluie, Opium et Cruel ont absolument ravi tout le monde. Pour la deuxième vague de rappel, Daniel Bélanger s’est présenté seul sur scène avec une guitare acoustique pour la poignante La Folie en quatre. Le spectacle ne pouvait mieux se terminer. Les spectateurs en liesse ont quémander une dernière chanson pour la route, mais ils ont plutôt reçu un émouvant merci d’un Daniel Bélanger qui va sans doute se souvenir longtemps de cette magique soirée qui, de ses propres mots, lui a fait un grand bien.
Soulignons que la première partie a été assurée par le groupe français Octave Noire qui, malgré la voix imperceptible du chanteur et un segment un tantinet trop long, a charmé par un son électro ultra recherché digne d’une trame sonore de film.