Louis-Jean Cormier et Martin Léon en symbiose au Théâtre Maisonneuve

La fébrilité était à son comble, hier soir, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts de Montréal, alors que Louis-Jean Cormier s’apprêtait à monter sur scène pour nous lancer un spontané et bien placé « FrancoFolies… Salut! ». Coquettement habillée, mais demeurant épurée, la salle, emplie d’un public friand, attendait impatiemment que prenne place l’artiste d’exception venu nous présenter un authentique spectacle acoustique dans une simplicité désarmante. Quelques systèmes d’éclairage, des draps suspendus servant à des projections assidues déferlant au son des notes, des supports lumineux en guise d’agréments de scène, une planche de podorythmie, un Louis-Jean et sa guitare électrique… Nul besoin de trop d’artifices pour faire lever l’ambiance d’une telle soirée! Rien ne portait à croire, d’ailleurs, que nous aurions droit à une prestation aussi dénudée de complexité!

Entièrement disposé à son public et entre de nombreuses touches humoristiques, Louis-Jean proposait un bel éventail de compositions tirées de ses albums solos Le treizième étage (2012) et Les grandes artères (2015): Bull’s eyeSi tu reviens, Tête première, Faire semblant, Tout le monde en même temps et La fanfare, pour n’en citer que quelques-unes, résonnaient dans l’assistance visiblement ravie.

© Benoît Rousseau/FrancoFolies/2017

Le chanteur nous incitait littéralement à entrer dans son imaginaire, comme si nous étions, de façon privilégiée, témoins d’une séance d’enregistrement tant le tout était intimiste. Sentiment surprenant, lorsque l’on se retrouve au beau milieu d’une salle de spectacles aussi importante! Les lumières scintillaient vers l’auditoire au rythme de la poésie du chanteur, nous suspendant à ses lèvres, nous enivrant de sa voix, et la toile qui le secondait sur scène projetait des images qui nous transportaient doucement, vacillant entre l’univers de l’auteur-compositeur-interprète à celui des protagonistes qui font vivre ses chansons. Coup de théâtre pour les plus grands nostalgiques, également, qui devaient s’en donner à cœur joie lorsque les premières notes de Moi-Léger se faisaient retentissantes!

Hilarante, touchante, époustouflante, tant de caractéristiques pouvant décrire la performance de cet artiste accompli et qui nous font dire: « À chaque fois qu’on se croise, je ne sais plus quelle heure il est », tellement on en aurait pris encore et encore! C’était un 90 minutes tout en grandiosité, mais inévitablement trop vite passé.

 

Martin Léon, un conteur ensorceleur!

Ironiquement et au grand étonnement d’un public aguerri, pour la première partie de ce spectacle double, Louis-Jean Cormier était le chanteur qui se chargeait de réchauffer l’audience. Eh oui, la tête d’affiche, l’artiste coqueluche dont on entend parler partout (et on aime ça!), celui qui pourrait, et de loin, remplir une salle comme celle-ci des dizaines de fois en se livrant à la scène seul ou à plusieurs, jouait, hier soir, l’entremetteur!

Conséquemment, il va sans dire que l’ambiance était déjà nettement enflammée à l’arrivée de Martin Léon et de ses huit musiciens (parmi lesquels se retrouvait d’ailleurs Cormier aussi déchaîné que jamais). Tous figuraient dans au décor dessinant une pleine lune et un ciel étoilé. Un chaleureux accueil les encouragea donc à se lancer tête première et à ne faire qu’un avec leur instrument respectif. Dans leurs jolies partitions, saxophone, harpe, piano et autres percussions, guitare, contrebasse, violoncelle et flûte traversière se rassemblaient dans un élan témoignant de la folie musicale de chacun des concertistes qui, outre le plaisir évident de partager la même scène, fignolaient brillamment les textes du conteur.

© Benoît Rousseau/FrancoFolies/2017

Nous faisant voyager du Laos à la Thaïlande (ou vice et versa), Léon nous ensorcelle par ses anecdotes tout en couleurs, tout en rythmes et en diversité musicale, qui expliquent l’impressionnant et laborieux processus de création de sa pièce « L’invisible » qui, à coup de couplets expliquant « ce que n’est PAS l’invisible » fini par très bien le définir. Chacun des artistes incarne son instrument avec brio et raconte, à sa façon, une parcelle des histoires successivement loufoques et profondes.

Martin Léon en spectacle, c’est un long périple sur la Baie d’Ho Lang, un récit dont on ne veut pas se lasser en voyant la fin arriver… C’est un méga jam entre amis qui ont un plaisir certain et contagieux à jouer ensemble: une somptueuse symbiose! S’il est vrai, comme nous avons pu le lire sur l’un des écrans qui couvraient vos arrières, que: « Le vrai voyageur ne doit avoir aucun objectif » (Gao Xingjian), vous pouvez certes vous vanter d’avoir su en mettre un dans la mire des spectateurs: avoir du gros fun à faire le party avec vous!

La soirée s’est finalement terminée, comme toute bonne chose a une fin, sur la chanson « Je redeviens le vent », interprétée en toute sobriété par Louis-Jean et Martin Léon, afin de nous décrocher la larme à l’œil. Un moment volé qui figure maintenant dans ma mémoire parce qu’il m’a réchauffé le cœur!