Le 12 août dernier, dans le cadre de la journée de clôture de la seizième édition des Correspondances d’Eastman, les comédiens Maude Guérin et Christian Vézina ont momentanément délaissé leur couple pour embrasser celui qui unit Mélissa et Andy dans la célèbre pièce Love Letters de A.R. Gurney. Déployé sobrement dans le charmant Cabaret d’Eastman sans mise en scène ni costume, le spectacle a littéralement donné au théâtre épistolaire ses lettres de noblesse en s’attardant uniquement sur l’inexplicable et envoûtant pouvoir des mots.
Écrite pour être présentée sous forme de lecture et interprétée par un duo d’acteurs qui ne se regardent jamais, Love Letters dévoile chronologiquement l’entièreté de la correspondance datant de plus de 60 ans entre Andy et Mélissa. Les écrits sont donc influencés par la personnalité des personnages, les mœurs de l’époque et les événements déterminants dans une vie comme un décès qui changent en un instant la signification initiale d’une lettre. Ce mélange de longs échanges passionnés, de courtes réponses tranchantes et de silences éloquents apporte aux répliques d’abord d’apparence banale une vérité frappante. Le procédé semble être condamné à se répéter, mais la force des mots et du sous-texte rend le tout parfaitement cohérent et émotif. Le public n’a pas pu s’empêcher de rire à gorge déployée avant de l’avoir serrée presque en même temps.
La transmission si simple d’émotions universelles obnubilait. Les personnages sont écrits de manière si distinctive qu’il est facile de se les imaginer, et ce même si les acteurs ont plus attaqué la pièce dans l’optique de vivre la poésie plutôt que d’interpréter les protagonistes. Si les spectateurs sont aussi hypnotisés par la lecture de Love Letters, c’est grâce à une chronologie cohérente des événements qui est guidée par des référents scéniques efficacement tous simples comme une main sur une épaule ou un chin chin avec le public qui prennent une signification étonnamment importante et marquante sur le plan émotif. Évidemment, l’extraordinaire chimie entre Maude Guérin et Christian Vézina contribue grandement à cette poignante sensibilité qui nous accroche et nous écorche tout au long de Love Letters. Les deux comédiens ont tous les deux l’occasion de faire rire et pleurer avec crédibilité. Encore une fois, Maude Guérin a sidéré avec son inexplicable magie à transcender l’interprétation pour être les mots. Une intonation sur une syllabe, un souffle, un éclat de rire perçant, un sanglot retenu…exactement tout ce qu’elle a livré sur scène se réfugiait dans nos cœurs instantanément.
Cet amour qui n’aurait sûrement pas pu exister dans la réalité donne envie d’écrire des lettres, et, au final, c’est tout ce qui importe! Love Letters sera jouée, au courant de l’automne, à Longueuil, Shawinigan, La Tuque et Lotbinière. Ne manquez pas ces poétiques rendez-vous!
Si vous voulez en savoir plus sur la création du spectacle, vous pouvez visonner la plus que sympathique entrevue que nous avons réalisée avec Maude Guérin et Christian Vézina après la présentation de la pièce!
Crédits Photos : Stéphanie Payez/Éklectik Média