Mon cirque à moi : jongler habilement avec nos sentiments ★★★1/2

À l’affiche depuis le 14 août, Mon cirque à moi, premier long-métrage réalisé et co-scénarisé par Miryam Bouchard (M’entends-tu, L’échappée), arrive à point nommé dans presque tous les cinémas du Québec pour nous faire rêver et sourire en ces temps où nous en avons bien besoin. Ceci dit, pandémie ou pas, le film agit comme un véritable vent de fraîcheur dans le paysage québécois en étant une comédie familiale accessible, lumineuse et jamais mièvre qui aborde autrement le genre coming of age.

Librement inspiré du père de Bouchard (Reynald Bouchard, décédé il y a 10 ans) qui était un flamboyant artiste, Mon cirque à moi suit le quotidien de Bill (Patrick Huard), un clown anti-conformiste qui cumule les spectacles dans des conditions exécrables pour vivre de son art. À ses côtés, son assistant Mandeep qui ne dit un traître mot (Robin Aubert) et sa fille Laura (Jasmine Lemée) qui, maintenant âgée de 13 ans, souhaite troquer les éreintantes tournées pour une éducation normale. Appuyée par sa cynique mais sensible professeure de mathématiques, Patricia Dufresne (Sophie Lorain), qui voit en elle un énorme potentiel, l’adolescente met tout en oeuvre pour être acceptée dans un prestigieux collège. Aveuglé par ses convictions et son mode de vie atypique , son père peine à réaliser que sa fille ne trouve pas le bonheur dans les valeurs de liberté qu’il lui prodigue…

Dès la première scène du film, la réalisatrice impose sa douceur. Tous les personnages brillent dans sa lumière. On sent son profond attachement envers eux et on ne peut qu’embarquer dans ce qu’ils ont à nous dire. La caméra de Bouchard est particulièrement prenante et inspirée lors d’une touchante scène où une ribambelle de clowns rendent hommage à un des leurs en pleine rue. La futilité de la vie, avec tout ce qu’elle comprend de contradiction et de fantaisie, est magnifiquement illustrée. D’ailleurs, il s’agit de la séquence la plus éclatée et marginale du film.

Pour une oeuvre ayant comme toile de fond l’art circassien, il y a effectivement peu de moments déjantés, métaphoriques et colorés. Cet aspect peut étonner et même décevoir à première vue, mais on comprend rapidement que l’intention de Miryam Bouchard ne réside pas à cet endroit. Mon cirque à moi n’est pas une lettre d’amour à la création et à l’imagination. L’intrigue se concentre plutôt à démontrer la triste réalité du milieu avec un éclairage fade et des décors ternes tenant avec de la broche. C’est pour cette raison que, ce qu’il y a de plus magique dans les spectacles montés par Bill, ce sont les regards des enfants…

Mais d’abord et avant tout, Mon cirque à moi parle d’acceptation. De soi et des êtres chers qui partagent nos vies. Malgré l’incompréhension, les opinions divergentes et les aspirations différentes. Le tout dans un ton léger qui dissimule de profondes réflexions. Même si le scénario n’échappe pas à quelques répliques sonnant fausses, l’écriture de Miryam Bouchard et Martin Forget cible parfaitement, entre le rire et les larmes, les enjeux d’une famille atypique qui ne souhaite que le bonheur de tous ses membres.

À mi-chemin entre un film pour enfants et adolescents, le long-métrage de près de 105 minutes se veut un coming of age  dans sa pure tradition mais toutefois à mille lieues de ceux du style mélancolique qui fait le bonheur des productions américaines depuis la dernière décennie. Ici, on ne suit pas les méandres d’une adolescente désorientée qui explore son identité à coups d’expériences sexuelles dépravées, de rébellions dramatiques et de soirées intoxiquées. On s’attache à une jeune fille déterminée qui a un objectif de vie précis. Elle ne se départ pas de son innocence, de ses racines ni de son émerveillement, mais elle s’en affranchit de plus en plus afin de mieux évoluer, et c’est absolument rafraîchissant à voir, d’autant plus dans ce contexte social déstabilisant.

Des rôles principaux aux secondaires, toute la distribution excelle, sert un propos et possède une chimie extraordinaire. Patrick Huard excelle dans la peau de cet homme déchiré entre sa dévotion de père et ses convictions artistiques. Aux niveaux des émotions, la performance ne le fait pas sortir de sa zone de confort, mais ses efforts en jonglerie épatent. À ses côtés, Jasmine Lemée est tout simplement une révélation. Naturelle et volontaire, elle cerne brillamment les non-dit du scénario.

Incarnant son mentor désabusé, Sophie Lorain dose habilement autorité, humour et admiration. Sa Patricia s’avère être un personnage d’enseignante réaliste et inspirant. Qui plus est, il permet une critique subtile et pertinente sur les établissements scolaires laissés à l’abandon et le cruel manque de soutien envers le personnel. Robin Aubert tire bien son épingle du jeu en offrant une partition épurée où tout se joue dans les expressions faciales.

Pour sa première fin de semaine en salle, Mon cirque à moi a récolté la respectable somme de 88 911 $ au box office considérant qu’il affrontait d’autres sorties attendues comme Bob L’Éponge et le décevant Enragé. Espérons seulement que les familles québécoises continueront d’être au rendez-vous car cette histoire charmante et inspirante mérite qu’on s’y attarde.

Lors de la veille de la sortie du film, un tapis rouge minimaliste et respectant les mesures sanitaires a été déployé à L’Impérial en compagnie des principaux artisans du film et d’autres de vos personnalités favorites. Voici quelques photos pour s’imprégner de la magie qui était présente grâce aux acrobaties de Productions 3.2.1 Cirque!

Crédits Photos du tapis rouge : Paul Ducharme

3.5