Entrevue- Martin Théberge au service de Sylvain Lelièvre

Après avoir présenté une relecture devenue virale de Tous les cris, les S.O.S, Martin Théberge a décidé que son tout premier album en carrière rendrait également hommage à un grand la chanson, mais qui, étonnamment, ne jouit pas d’un rayonnement à sa juste valeur : Sylvain Lelièvre. Avec l’album Martin Théberge chante Sylvain Lelièvre, l’interprète de 42 ans originaire de Matane remédie à la situation en offrant, avec la précieuse collaboration du pianiste et complice Benoit Sarrasin, 10 pièces du répertoire de Lelièvre dont des incontournables et quelques bijoux qui ont séduit Martin Théberge par leur côté engagé tristement actuel.

Quelques semaines avant la grande première médiatique montréalaise qui aura lieu à guichet fermé le 21 avril à la Salle Claude-Léveillée de la Place des Arts (et en supplémentaire le dimanche 24 avril, qui affiche aussi complet), Martin Théberge nous a dévoilé lors d’une répétition qu’il ne perçoit pas réellement ce projet comme une carte de visite pour sa carrière, mais qu’il met plutôt avec le plus grand des respects sa voix au service d’une œuvre importante et inspirante afin d’humblement la faire (re)découvrir.

Les chansons de Sylvain Lelièvre font partie de la vie de Martin Théberge grâce à Lucille Dumont dont il a été l’élève pendant des années. Comme Sylvain Lelièvre a déjà été le pianiste  de feu Mme Dumont, elle se servait des compositions de ce dernier dont Toi l’ami pour faire pratiquer quelques élèves. Puis, en 2004, la parution de l’album Danielle Oddera chante Sylvain Lelièvre a ravivé la flamme dans le cœur de Martin qui a vu le spectacle relié à ce disque à la Salle Claude-Léveillée (tiens, tiens!). «J’écoutais cet album pour partir en Gaspésie, et mes amis me demandaient ce que j’écoutais là! » a déclaré Martin avec un large sourire et une énergie contagieuse qui détonnent joyeusement avec ses goûts musicaux très assumés pour les arrangements classiques de piano et de violoncelle. 

D’ailleurs, son histoire avec Mme Oddera ne s’arrête pas là, puisque cette chère complice de Lelièvre a accepté de faire un duo avec lui sur son opus. « En fait, c’est Benoit Sarrasin qui  m’a écrit un texto pour me dire qu’il avait eu l’idée de faire un duo sur Venir au monde. » Avant même que le pianiste d’expérience (il a entre autres accompagné sur scène de grandes interprètes comme Isabelle Boulay et Marie Denise Pelletier) ne dévoile à Martin l’identité de la chanteuse à laquelle il avait pensé, il avait le feeling que ce serait Mme Oddera! L’enregistrement de la pièce a eu lieu au mythique studio Piccolo. « Danielle Oddera a tellement une voix extraordinaire que j’ai insisté pour que les grains de sa voix ne soient pas enlevés. J’aime que, avec cette chanson, ce soit la jeunesse qui parle à la vieillesse. »

Parallèlement, Martin Théberge et Danielle Oddera se joindront à Joe Bocan, Florence K, Daniel Boucher, Pierre Verville ainsi qu’à Roberto Medile pour une tournée à travers le Québec qui soulignera les 20 ans du décès de Sylvain Lelièvre à l’âge de 59 ans. Joe Bocan signera également la mise en scène de ce spectacle intitulé Qu’est-ce qu’on a fait de nos rêves? et Jean Fernand Girard y participera à titre de directeur artistique. La tournée débutera à Montréal au Théâtre Jean Duceppe le 7 août 2022.

Le spectacle solo de Martin Théberge sur Sylvain Lelièvre est aussi présenté 20 ans après le départ hâtif de l’artiste, mais ce n’est qu’un bel adon. À part avoir le même sujet, les deux propositions scéniques ne naviguent pas sur les mêmes eaux. Martin Théberge a construit sa sélection des chansons en ayant en tête trois principales thématiques : les chansons engagées, les voyages et l’amitié. À ce propos, on pourrait presque jurer que la pièce Toi l’ami a été composée expressément pour lui! « Je suis tout le temps en train d’appeler tout le monde mon ami! J’ai l’ami facile! » L’interprète gatinois a aussi pu, grâce à l’aimable autorisation de Monique Lelièvre, l’épouse de Sylvain, mettre la main sur une chanson inédite, Nouveau Monde.

Accompagné de Benoît Sarrasin et d’un artiste multi-instrumentiste, Martin Théberge vise une expérience intimiste et immersive qui s’éloigne de l’hommage traditionnel et solennel. C’est pourquoi il aura recours à des bulles musicales, à des sons de la ville, à des éclairages prétextant le départ d’une avion et à des textes inconnus de Sylvain Lelièvre en guise de transitions entre les chansons.

Pour amener tout cela à bon port, il a confié la mise en scène à Joe Bocan. « Je chante Joe Bocan depuis que j’ai 20 ans. Elle fait des chansons hyper engagées comme Si Dieu existait, Les femmes voilées, Apocalypso, et ça me parle beaucoup. J’ai été voir son spectacle Pour une histoire d’un soir, et j’ai tout de suite su qu’elle devait faire la mise en scène de mon spectacle. Sylvain Lelievre, c’est assez droit, l’accent est sur les textes. Joe apporte un côté super éclaté sans dénaturer le spectacle. Je ne l’avais jamais rencontrée avant, mais là on est rendu les meilleurs amis du monde! » 

Martin Théberge

Un sentiment que partage la chanteuse de Paradoxale. «Quand j’accepte une mise en scène, il faut que ce soit un coup de foudre. Je suis beaucoup plus sur l’humain que sur l’artiste. Un artiste, c’est d’abord un humain qui va créer. Si je n’aime pas la personne, je n’irai pas, et j’ai tout de suite aimé Martin. Et je l’aime encore beaucoup! Martin veut, il reçoit, il est une éponge, il se prépare fort. Je lui demande des choses qui sont moins naturelles pour lui comme apprendre des textes de Sylvain pour les transitions et il embarque. Il est prêt à essayer encore et encore. Je trouve ça formidable quand un jeune artiste comme Martin veuille mettre en lumière un artiste comme Sylvain qui est malheureusement encore trop méconnu. »

L’album Martin Théberge chante Sylvain Lelièvre est disponible sur les plateformes de téléchargement et sur son site Internet officiel. Martin Théberge présentera son spectacle solo le 14 mai 2022 à l’Église Saint-Ulric de Matane et le 16 septembre 2022 à la salle Jean Desprez à Gatineau.

Crédits Photos dans l’article : Mélanie Crête